lundi 28 janvier 2019

Rencontre entre deux mondes, à la recherche du temps perdu...


Aujourd'hui Shyam ji bhai, le directeur de l'asso, nous emmène voir des brodeuses Sameja. On quitte la route principale pour emprunter un chemin de traverse dans la "brousse", si on peut appeler cela ainsi. Au détour d'arbres desséchés, on croise des hommes qui ont l'air d'Afghans, avec leurs longues tuniques claires et leurs turbans. Ils ont l'air redoutable, avec leurs yeux très noirs et leurs sourcils froncés, l'expression revêche, limite inquiétante. Mais leur voix sont douces quand ils nous indiquent le chemin. 
Quand on arrive au village nommé "Dubado", un homme nous accueille. Il semble très jeune mais ses traits marqués par la vie et ses yeux très sérieux lui font comme un masque de dureté. Son apparence de rudesse contraste avec la tendresse et l'attention avec lesquelles il tient son tout petit bébé au creux de son bras, ainsi qu'avec l'élégance et le charme de son châle aux délicates fleurs, nonchalamment jeté sur l'épaule. Ses manières sont simples pourtant, dénuées de tout artifice social comme d'hostilité, et il nous guide vers deux femmes très ridées bien que pas si âgées, qui brodent, accroupies contre un mur en terre. Tous les enfants du village accourent. Contrairement aux enfants qu'on croise souvent ici qui sont rieurs et d'un naturel joyeux, ceux-ci sont aussi sérieux que leurs aînés et nous dévisagent, nous scrutent même, avec méfiance. Leurs peaux dorées sont satinées par la poussière du désert et des lumières jaunes dansent dans leurs yeux bruns. Les filles sont vêtues comme des princesses des mille et une nuits dans leurs robes ourlées d'or et d'argent, les cheveux dissimulés sous des voiles rêches. Les petites garçons portent des tuniques fushia ou bleu de cobalt, couleurs éclatantes lavées par le sable et la poussière. Il se dégage une impression de grande pauvreté. Et en même temps, l'opulence des vêtements est extrème... on dirait un peuple de princes déchus, échappés du désert... 
Je dois dire que la rencontre est assez impressionnante, il règne une atmosphère de silence un brin tendue, surtout quand ma roommate indienne prend les brodeuses en photo. Celles-ci protestent, le chef du village arrive et dit qu'on ne peut pas prendre des photos des femmes. Du coup je n'ose pas non plus dessiner... Après conciliabule avec Shaamji, il accepte une photo commune avec tout le village, enfants compris. Tout le monde s'accroupit en groupe, quand un tout petit bonhomme débarque cul nu, les yeux grands ouverts tout étonnés, la morve séchée collée au nez. Il est néanmoins trop mignon et ne comprend pas ce qui se passe. On lui dit de s'accroupir alors il s'accroupit, puis repart d'un coup alors que la photo n'est pas encore prise, tout le monde le rappelle alors il accourt à nouveau, obéissant sans comprendre, enfin quand tout le monde se relève il reste accroupi, complètement perdu, ne comprenant sans doute pas encore le concept de photo. La scène est hilarante, tout le monde rit, cette petite arrivée comique décongestionne l'ambiance, qui devient d'un coup plus légère. J'en serai quand même quitte pour faire mes dessins de tête!


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