lundi 9 septembre 2019

Guatemalan blues

Alors, me voilà écrivant de nouveau sur mon vilain petit ordi que je m'étais juré de ne pas remporter, mais que je trouve en fait bien mignon et bien pratique (enfin, quand je fais abstraction de son horrible batterie qui ressort comme une apendice absolument ridicule et disgracieuse), et surtout, on va dire qu'à aucun moment je ne crains pour sa vie, car au Guatemala comme dans le monde entier, on se sent toujours mieux à voyager léger, en terme de valeur commerciale. 

Me voilà donc dans un lit double avec des oreillers douillets et des draps bien propres rayés de bleu et de blanc, accueillie avec gentillesse par les parents d'une amie à Guatemala City, la capitale. J'avoue que ça fait une différence énorme d'arriver dans ces conditions, après un vol sans encombre (oui, l'avion a dû passer entre les vents du cyclone Dorian), un changement tranquille à Miami, où la douanière, qui voit mon adresse de Saint-Malo sur mon passeport, m'adresse son plus beau sourire suivi d'un « bonne continuation » en Français, car elle adore cette ville. Des compagnons d'avion agréables (au lieu d'un Indien lourd qui insistait démesurément pour que je lui rende visite au cours de mon séjour) et surtout un trajet en taxi jusqu'à CDG, sans trafic et sans encombre (par opposition au rer b qui s'était bloqué en direction de l'aéroport le jour de mon départ...), avec un chauffeur très sympathique qui me propose eau et bonbons. C'est sûr que ça change d'une arrivée en Inde après deux transferts hyper courts éreintants et hyper stressants, une nuit blanche, et s'être fait larguer définitivement la veille par un type aux yeux clairs et au sang froid (et bim), et un déménagement sinistre...

Après cette arrivée en douceur, première grosse désillusion... mon Espagnol! Une catastrophe, je ne comprends rien, je n'arrive pas du tout à m'exprimer, un vrai désastre! Moi qui parlais avec aisance, avec un bon vocabulaire et une grammaire plus que correcte, je me rends compte que j'ai absolument tout perdu, et c'est un baragoin sans queue ni tête qui sort de ma bouche! 

Dans la maison, murs blancs, mobilier et portes de bois sombre, lumières type néons un brin verdâtres, énorme crucifix trônant en haut de l'escalier, casseroles blanches vintage ornées de fleurs oranges style années 70, je me retrouve dans un monde bien particulier où, entre un hôte très pris par son travail et son épouse bien bavarde (mais comme je ne comprends rien :/) et une mamie quasi muette (à part pour me gratifier, chaque matin, d'un gentil « muy bonita », qui me donne le sourire), les seules conversations sont celles des invités du plateau télé, qui viennent raconter leurs drames personnels ou démontrer leurs prouesses sur une piste de danse.

Puis, comme beaucoup de Guatémaltèques aisés, la famille vit dans une sorte de ghetto fermé en banlieue, gardé par un type armé. On peut vaguement faire le tour du pâté de maison si vraiment on est en crise de claustrophobie, mais sinon on reste à la maison enfermé à double tour, même la porte menant au jardin est verrouillée par un gros cadenas. Des murs entourent le pavillon et on ne sort qu'en voiture, une configuration très particulière qui me laisse juste un peu perplexe au début, mais qui vire franchement au cauchemar quand je comprends que je suis condamnée à passer ma dernière journée dans la capitale enfermée, entre le téléviseur criard et la grand-mère silencieuse, en ce samedi où personne n'est disponible pour me "sortir", car, on l'aura compris, je dépends entièrement de mes hôtes, ce qui est aussi culpabilisant et horripilant qu'infantilisant... je me suis bien risquée à prendre un uber une fois, mais la propriété doit être savamment dissimulée sur maps, car le conducteur n'a jamais trouvé! Heureusement que je venais de me procurer une carte sim, ainsi mon hôte a pu le guider par téléphone jusqu'à l'entrée, où il a dû  remettre son permis au garde avant de pénétrer dans le quartier, furax d'avoir perdu un temps apparemment précieux...

Des recommandations de sécurité rudimentaire "ne jamais sortir ton portable dans la rue", "c'est bien d'avoir un peu d'argent sur soi mais pas trop car si on te menace, tu as quelque chose à donner, ce qui apaisera ton agresseur", "le mieux c'est d'avoir deux portables, un vieux dans ton sac pour l'agresseur, et le tien que tu gardes bien caché dans ton vêtement", "ne marche jamais seule nulle part sauf en centre ville s'il y a du monde dans la rue uniquement biensûr", « ah et oui, les « chicken bus », à proscrire, chaque jour on abat un chauffeur au hasard sous les yeux des passagers car une mafia leur impose une taxe qu'il ne faut pas se hasarder à oublier de payer...»... 

Quelques infos sur l'histoire terrible et sanglante du Guatemala, glanées dans le lonely planet, achèvent de me stresser horriblement.

La bonne nouvelle, c'est que les protos que j'avais lancés depuis la France sont juste maaaaaagnifiques:) !!! Les dossiers ont été bien respectés et les tissus choisis par la famille selon mes indications sommaires ont été sélectionnés avec goût. Ils sont tissés et brodés à la main, et sont super classes B)!

La mauvaise, c'est la confusion dans laquelle me plonge ma brève et unique interaction par whatsap avec mes partenaires du projet, apparemment ce n'est pas la peine de lancer quoi que ce soit d'autre car les prix de ce fournisseur sont trop élevés et il faudrait d'abord les négocier. Il me semblait que c'était précisément pour lancer d'autres modèles que je devais passer quelques temps dans la famille, et j'y suis pour une semaine god dam'it!... Malgré le manque de budget apparent pour le projet, on convient tout de même que je vais lancer une robe, ce qui s'avère de toutes façons un vrai casse tête car je dois m'en remettre une fois de plus aux parents, mais quand j'en parle à la mère, qui est toujours dispo, elle me renvoie à Monsieur, que j'arrive à peine à croiser.

Bref, cette semaine en milieu inconnu et au but trouble et incertain laisse une place non négligeable aux doutes et aux tracas qui me turlupinent dès qu'ils trouvent un petit coin dispo dans mon cerveau... C'est donc dans un état plus qu'inquiétant que je gravite entre ma chambre et la salle de bain, priant pour que la suite des évènements s'avère un peu plus prometteuse...

Heureusement pour moi (une fois encore, je n'avais pas compris), mais la maman m'emmène à son cours de broderie, ce qui me libère de l'angoisse atroce de passer mon samedi entier enfermée avec mes mauvaises émotions, et là, le miracle se reproduit ! Fascinée par les couleurs et les points, je m'immerge complètement dans mon ouvrage et tout disparaît, les pensées négatives se perdent dans les entrelacs de fils de coton, et mon esprit, complètement détendu, vit un grand moment de psychédélisme:).


Le lendemain, pfffffiouuuu, je prend le large pour Xela...














Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire