Alors, me voilà écrivant
de nouveau sur mon vilain petit ordi que je m'étais juré de ne pas
remporter, mais que je trouve en fait bien mignon et bien pratique
(enfin, quand je fais abstraction de son horrible batterie qui
ressort comme une apendice absolument ridicule et disgracieuse), et
surtout, on va dire qu'à aucun moment je ne crains pour sa vie, car
au Guatemala comme dans le monde entier, on se sent toujours mieux à
voyager léger, en terme de valeur commerciale.
Me voilà donc dans
un lit double avec des oreillers douillets et des draps bien propres
rayés de bleu et de blanc, accueillie avec gentillesse par les
parents d'une amie à Guatemala City, la capitale. J'avoue que ça fait une différence
énorme d'arriver dans ces conditions, après un vol sans encombre
(oui, l'avion a dû passer entre les vents du cyclone Dorian), un
changement tranquille à Miami, où la douanière, qui voit mon
adresse de Saint-Malo sur mon passeport, m'adresse son plus beau
sourire suivi d'un « bonne continuation » en Français,
car elle adore cette ville. Des compagnons d'avion agréables (au lieu d'un Indien lourd qui insistait démesurément pour que je lui rende visite au cours de mon séjour) et
surtout un trajet en taxi jusqu'à CDG, sans trafic et sans encombre
(par opposition au rer b qui s'était bloqué en direction de
l'aéroport le jour de mon départ...), avec un chauffeur très
sympathique qui me propose eau et bonbons. C'est sûr que ça change
d'une arrivée en Inde après deux transferts hyper courts éreintants
et hyper stressants, une nuit blanche, et s'être fait larguer
définitivement la veille par un type aux yeux clairs et au sang
froid (et bim), et un déménagement sinistre...
Après cette arrivée en douceur, première grosse
désillusion... mon Espagnol! Une catastrophe, je ne comprends rien,
je n'arrive pas du tout à m'exprimer, un vrai désastre! Moi qui
parlais avec aisance, avec un bon vocabulaire et une grammaire plus
que correcte, je me rends compte que j'ai absolument tout perdu, et
c'est un baragoin sans queue ni tête qui sort de ma bouche!
Dans la maison, murs blancs, mobilier et portes de
bois sombre, lumières type néons un brin verdâtres, énorme crucifix
trônant en haut de l'escalier, casseroles blanches vintage ornées
de fleurs oranges style années 70, je me retrouve dans un monde bien
particulier où, entre un hôte très pris par son travail et son
épouse bien bavarde (mais comme je ne comprends rien :/) et une
mamie quasi muette (à part pour me gratifier, chaque matin, d'un
gentil « muy bonita », qui me donne le sourire), les
seules conversations sont celles des invités du plateau télé, qui
viennent raconter leurs drames personnels ou
démontrer leurs prouesses sur une piste de danse.
Puis, comme beaucoup de Guatémaltèques aisés, la
famille vit dans une sorte de ghetto fermé en banlieue, gardé par
un type armé. On peut vaguement faire le tour du pâté de maison si
vraiment on est en crise de claustrophobie, mais sinon on reste à la
maison enfermé à double tour, même la porte menant au jardin est
verrouillée par un gros cadenas. Des murs entourent le pavillon et
on ne sort qu'en voiture, une configuration très particulière qui
me laisse juste un peu perplexe au début, mais qui vire franchement
au cauchemar quand je comprends que je suis condamnée à passer ma
dernière journée dans la capitale enfermée, entre le téléviseur
criard et la grand-mère silencieuse, en ce samedi où personne n'est
disponible pour me "sortir", car, on l'aura compris, je
dépends entièrement de mes hôtes, ce qui est aussi culpabilisant et
horripilant qu'infantilisant... je me suis bien risquée à prendre
un uber une fois, mais la propriété doit être savamment dissimulée
sur maps, car le conducteur n'a jamais trouvé! Heureusement que je
venais de me procurer une carte sim, ainsi mon hôte a pu le guider
par téléphone jusqu'à l'entrée, où il a dû remettre son
permis au garde avant de pénétrer dans le quartier, furax d'avoir
perdu un temps apparemment précieux...
Des recommandations de sécurité rudimentaire
"ne jamais sortir ton portable dans la rue", "c'est
bien d'avoir un peu d'argent sur soi mais pas trop car si on te
menace, tu as quelque chose à donner, ce qui apaisera ton
agresseur", "le mieux c'est d'avoir deux portables, un
vieux dans ton sac pour l'agresseur, et le tien que tu gardes bien
caché dans ton vêtement", "ne marche jamais seule nulle
part sauf en centre ville s'il y a du monde dans la rue uniquement
biensûr", « ah et oui, les « chicken bus », à
proscrire, chaque jour on abat un chauffeur au hasard sous les yeux
des passagers car une mafia leur impose une taxe qu'il ne faut pas
se hasarder à oublier de payer...»...
Quelques infos sur l'histoire terrible et sanglante
du Guatemala, glanées dans le lonely planet, achèvent de me
stresser horriblement.
La bonne nouvelle, c'est que les protos que
j'avais lancés depuis la France sont juste maaaaaagnifiques:) !!! Les dossiers ont été bien respectés et les tissus choisis par la famille selon mes indications sommaires ont été sélectionnés avec goût. Ils sont tissés et brodés à la main, et sont super classes B)!
La mauvaise, c'est la confusion dans laquelle me
plonge ma brève et unique interaction par whatsap avec mes
partenaires du projet, apparemment ce n'est pas la
peine de lancer quoi que ce soit d'autre car les prix de ce fournisseur sont
trop élevés et il faudrait d'abord les négocier. Il me semblait que c'était précisément pour lancer d'autres modèles que je devais passer quelques temps dans la famille, et j'y suis pour une semaine god dam'it!... Malgré
le manque de budget apparent pour le projet, on convient tout de même que je
vais lancer une robe, ce qui s'avère de toutes façons un vrai casse tête
car je dois m'en remettre une fois de plus aux parents, mais quand
j'en parle à la mère, qui est toujours dispo, elle me renvoie à
Monsieur, que j'arrive à peine à croiser.
Bref, cette semaine en milieu inconnu et au but trouble et incertain laisse une
place non négligeable aux doutes et aux tracas qui me turlupinent
dès qu'ils trouvent un petit coin dispo dans mon cerveau... C'est donc dans un état
plus qu'inquiétant que je gravite entre ma chambre et la salle de
bain, priant pour que la suite des évènements s'avère un peu plus
prometteuse...
Heureusement pour moi (une fois encore, je n'avais
pas compris), mais la maman m'emmène à son cours de broderie, ce
qui me libère de l'angoisse atroce de passer mon samedi entier
enfermée avec mes mauvaises émotions, et là, le miracle se
reproduit ! Fascinée par les couleurs et les points, je
m'immerge complètement dans mon ouvrage et tout disparaît, les
pensées négatives se perdent dans les entrelacs de fils de coton,
et mon esprit, complètement détendu, vit un grand moment de
psychédélisme:).
Le lendemain, pfffffiouuuu, je prend le large pour Xela...







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