dimanche 3 février 2019

24h dans la vie d'un tailleur Gujarati.



Today, on accompagne le responsable de l'atelier. Direction un village Rabari, où on doit voir des brodeuses. Bon en fait en arrivant, elles ne sont nulle part, apparemment il y a un mariage et elles y ont toutes. Mais je fais la rencontre des interlocuteurs locaux de l'asso, un couple dans la force de l'âge d'une prestance remarquable:
Raja bhai porte bien son nom : assis sur un fauteuil en plastique qui lui fait un trône cocasse, il nous domine tous de son aura extraordinaire, sa voix rauque est d'une autorité écrasante... Tout à coup il se lève et sort son canif pour effrayer un attroupement de petits écoliers curieux de notre visite. Puis il se rassoit avec majesté, bidi au bec. On dirait un parrain mafieux craint et respecté. Un vrai homme d'affaires qui compte et note tout sur des petits papiers roses ridicules dans ses mains énormes, tirant sur sa bibi entre deux négo.




Sa femme, Lachhu, est d'une grande beauté, ses traits dessinés très fins sous les rides lui donnent l'air d'une reine, ainsi que les bijoux, les tatouages et les broderies délicates qui ornent son habit.



A côté de ces visages burrinés usés par la vie et le soleil, je me sens toute petite, et un peu bête avec mes petits dessins...

Puis nous rencontrons Sanga bhai, un géant très doux à la voix posée. A notre arrivée, il est en « bras de chemise », en marcel blanc dans son pantalon drapé. Ni une ni deux, il s'éclipse et réapparaît après quelques instants vêtu de sa veste traditionnelle à plis et de son turban, en plus d'un tissu rugueux jeté sur l'épaule comme une étole de grand prix. Il est fascinant à voir, d'une douceur surprenante pour une stature aussi imposante.




On va ensuite chez le marchand de tissu à Bhuj, un bouiboui au patron comme dans les films, avec une pure tête de négociateur pas commode ; et enfin direction Ajrakpur, village où on teint et on imprime au block de manière totalement naturelle et ancestrale. Les tissus sont imprimés des 2 côtés, chaque dessin impeccablement calé sur l'endroit et l'envers du tissu, hallucinant... Ismail bhai, avec son imposante barbe blanc et son ventre proéminent, nous explique que ça vient du temps où on se levait tôt et que, sans électricité pour y voir, on était sûr de ne pas draper son habit du mauvais côté du tissu ! 

  

ça négocie sec!

Dans cette caverne d'Ali Baba, j'ai un coup de cœur pour deux tissus avec une fine bordure en or, l'un rose cerise et l'autre vert émeraude, tous deux en coton soie, mon tissu préféré : un léger côté rustique et authentique donné par le tissage espacé ainsi que par la rugosité du coton, mais précieux et noble de par sa fragilité et sa transparence, et grâce aux fils de soie, qui lui donnent noblesse et délicatesse, sans pour autant briller avec ostentation (oui un vrai tissu de bobo aux goûts de luxe)...

 

 Il ne m'en fallait pas plus pour me guérir, en tous cas momentanément, des questionnements qui me travaillent régulièrement depuis que je suis arrivée en Inde... Dès que je suis au contact du tissu et de la beauté des couleurs, des fibres et des ornements, je me souviens pourquoi je suis venue et ça me reconnecte à mon fil rouge, qui, fragile, se perd souvent dans les méandres de mes doutes et de mes inquiétudes, troublant mon esprit et me bousculant dans mes intuitions...



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