jeudi 7 février 2019

Broderie fine...

Cette semaine, j'ai dessiné des robes pour l'association, et je propose au chef d'atelier qu'on se rende ensemble au musée de l'asso pour lui montrer les broderies que j'ai repérées pour les agrémenter. Quand je les lui montre, notamment celles qui ornent les vêtements d'hommes qui sont extrèmement fines, il va m'en chercher des « équivalentes » au magasin, mais ces dernières sont beaucoup moins raffinées. Je demande si on peut avoir exactement celles du vêtement ancien mais il semble que ce ne soit pas vraiment possible... 

Broderie ancienne
Broderie moderne

Plus tard dans le musée avec ma roommate indienne, elle aussi s'extasie sur la finesse des broderies et m'explique que les broderies d'antan étaient bien plus fines car les femmes les exécutaient pour elles-mêmes ou pour leur famille. Elles rivalisaient donc de virtuosité parce que c'était leur fierté et leur unique richesse, également parce que les broderies avaient valeur spirituelle et protectrice, notamment pour les enfants. C'était presque comme des talismans. Elles signifiaient aussi l'appartenance à un clan, à une communauté. Alors que de nos jours, même si le travail est toujours d'une incroyable qualité et d'une grande beauté, il n'a plus le même sens. Il est fait pour être vendu, et donc déconnecté de leurs auteures et de leurs intentions profondes. De plus, les femmes ne peuvent plus y passer autant de temps qu'avant car il y a des commandes et des délais à respecter. On ne peut plus attendre aujourd'hui comme on attendait autrefois, par exemple, qu'une jeune fille eût terminé de broder son trousseau pour l'autoriser à rejoindre la maison de son mari.

 


(Petite parenthèse "marxiste": Je pense aussi (pour ce que ça vaut), qu'on ne travaille jamais aussi bien que pour soi-même, et que, soi dit en passant, tout salarié, en renonçant au sens même de son labeur, se décharge de l'écrasante responsabilité de l'entreprenariat. Le salariat doit dès lors se concevoir comme un marché entre deux partis instaurant une sorte d'équité, et non pas, comme les entreprises aiment souvent à nous le laisser croire, une chance unique qu'on laisse à l'individu d'oeuvrer en leur sein. Bim, ça, c'est dit :p, fin de la parenthèse !)

La commercialisation de ces biens, même s'ils oeuvrent, biensûr, dans une certaine mesure, à leur préservation, induit une certaine vulgarisation et même, déperdition des savoirs... Même pour une association telle que Kala Raksha qui s'y dédie, entre autres, de la manière la plus respectueuse et dans un réel esprit de conservation, il est difficile de sauver les savoir-faire dans leur intégrité et surtout, dans leur profondeur, car ils appartiennent à une autre logique, insaisissable pour nous. Leur richesse et leur diversité sans limites semblent à l'étroit dans un monde qui leur concède une place bien définie. 

Définir ces savoirs, c'est, en même temps que les sauver de l'oubli, leur refuser cette dimension immense et infinie à laquelle ils prétendent... Ca me fait penser aux dear licornes laissées sur le rivage, oubliées de l'arche par un Noé dépassé par l'ampleur de la tâche dont il doit s'acquitter...

PS : je sais que c'est carrément redondant avec mon premier post sur le textile (si vous l'avez lu!), mais ça me parle quoi :p !

3 commentaires:

  1. coucou Gab, je lis tous tes posts, c'est génial
    tu me fais voyager
    bisou, ta couz

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  2. Coucou Gab, tes posts sont top!! Non seulement te font voyager mais te font aussi réfléchir sur les aberrations de la société moderne de consommation...toujours poussée au surplus et à la denaturalusation des individus...je salue ton courage et ta force dans ce beau voyage!! En l' attente de te relire pour d' autres nouvelles aventures! un bisous! Gio

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    1. Coucou Gigi, je suis trop contente de t'avoir pour lectrice avertie :)!! Merci de prendre le temps de partager mon aventure!!

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