lundi 4 mars 2019

Delhi schizo!

Entre hier et  aujourd'hui, j'ai aperçu deux visages de Delhi assez saisissants de différence, 2 journées complètement à l'opposé!

Hier, je rejoins le contact que je dois rencontrer à Delhi, une fille qui travaille dans une ONG spécialisée dans l'artisanat textile. Elle me donne rdv à l'expo qu'elle organise autour de l'artisanat indien. Elle, très classe, le lieu, très bobo, les produits, maaaagnifiques et assez chers (tout est fait à la main). Puis, mon contact français nous rejoint. Elle m'emmène dans un endroit superbe et trèèès trèès fancy! Un vrai repère d'Indiens et d'étrangers aisés. La musique, lounge, les canapés, douillets, la note, salée. Puis ça s'enchaîne très vite, un ami, expatrié lui aussi, qui a vécu un peu à droite à gauche ("mainly in the US") passe la prendre car ils ont une soirée et ne sont pas en avance. Apparemment c'est pas très loin de mon auberge donc ils m'embarquent sans que j'aie le temps de dire ouf, car mon appli taxi ne localise pas le lieu et ils ne veulent pas me laisser sur le carreau mais sont super pressés. Buena Vista Social Club dans la voiture, conversation légère et agréable, petits jokes sur les intrigues amoureuses d'une connaissance, gossips ect. Je croyais qu'on était dans un taxi, mais en fait il s'agit de la voiture et du chauffeur de "l'ami" (je n'ai pas compris son nom, nous sommes-nous même présentés?), à qui il explique où me déposer avant de descendre pour leur soirée, "nice to meet you", ils disparaissent dans un nuage de fumée et d'allégresse. Un peu sonnée, je rentre donc dans mon auberge avec chauffeur privé, légèrement abasourdie par la tournure des évènements et surtout l'allure à laquelle tout s'est enchaîné sans que j'y comprenne grand chose! Je me suis sentie un peu comme une empotée dans tout ça, une fille un peu pataude fraîchement débarquée de la campagne, pas très habile qu'on trimballe, passée de mains en mains par des gens plus lestes et plus hardis.

Today, Madhu, le "co-gérant" de l'hôtel si je puis dire, ne travaille pas, il propose de m'emmener dans Old Delhi en... moto!! Terrifiée, je suis quand même bien tentée car j'avoue appréhender un peu de me balader dans le bazar de la vieille ville en solo. Il m'assure qu'il conduit très bien, ce qui se vérifie, à quelques détails près (feux grillés, doublements par la droite, slaloms entre les bus... enfin, comme tout le monde fait ça, je ne m'inquiète pas plus que ça!). Au coeur du traffic en moto donc, entre rikshaws, voitures, touktouks, quelques vélos, chiens errants, scooters, bus, passants qui traversent n'importe où, tout un monde dans une pétarade de klaxons et de pots d'échappement! Mais c'est plutôt sympa et on arrive dans un parking à motos à l'entrée du bazar où nous nous aventurons, moi trottant derrière comme derrière un éclaireur qui se frayerait un passage à travers les lianes et les herbes hautes.



C'est un bordel juste pas possible. Sur les trottoirs, des hommes vivent à même le sol, parfois avec leurs familles, oeuvrant la journée comme charpentiers, peintres, serruriers, il y a même des nettoyeurs d'oreilles, coiffés d'un bonnet rouge d'où s'échappent les instruments à récurer en métal, tous devant leur petit stand maigrichon, organisés par métiers.



Le quartier des tissus est un plus soft, il y règne une ambiance féminine et plus suave. Celui des épices... on peut à peine respirer tellement l'air est saturé. Des hommes pas tout jeunes et pas très épais tirent des charriots lourdissimes. Ils sont parfois un devant, un derrière et se coordonnent dans un effort surhumain... Une fois qu'ils sont lancés, c'est une course qui ne souffre aucun obstacle car l'équilibre est précaire et la charge monstrueuse. C'est des "chalo!!" ("allez!!!") assez brutaux quand on est sur leur chemin, et on se sent idiot à errer par ici juste pour se promener. La tension qui entoure chaque course arrache le coeur. Ces hommes ont sans doute fait ça toute leur vie, et font sans doute ça tous les jours, mais la difficulté paraît telle qu'on est à peu près sûr qu'on ne s'y habitue jamais, on le fait simplement parce qu'on n'a pas le choix. Dans leurs yeux, de surcroît, on ne trouve pas du tout cette sorte de résignation qu'on rencontre souvent en Inde et qui rend la misère, sinon moins choquante, en tous cas moins révoltante qu'elle ne pourrait être (je ne sais pas trop comment exprimer cela, c'est maladroit, mais ceux qui ont été en Inde ont peut-être ressenti cela). Non sur leurs visages à eux, il y a toute la détresse du métier, la dureté de la tâche, la torture du poids accroché à leurs bras maigres. De plus, il est assez rare de voir des Indiens ouvertement "nerveux", c'est quasi la première fois que je vois des gens s'exprimer brutalement, comme si là, ce n'était vraiment plus une question de possibilité, juste un mélange de détresse et de brutalité inhérentes à la dureté du labeur. Pour la première fois depuis que je suis arrivée, je suis extrèmement choquée, ça fait vraiment peine à voir, c'est trop dur de voir ça (et c'est sans doute pas le pire ://), ces hommes justes maigres et âgés, qui font un boulot qui nécessiterait des boeufs, ou une traction mécanique puissante qui irait au-delà des capacités physiques humaines.



Je sors tout étourdie, quand on emprunte un escalier dérobé qui monte sur les toits du marché. Ici, un petit moment de poésie, des jeunes garçons et des messieurs jouent avec des cerfs volants. Près de nous des garçons roulent un joint qu'ils fument ensemble. Ils ont tous des têtes de gangsters et parlent de politique avec emportement. Le plus hardi explique à Madhu qu'il a perdu ses parents à l'âge de 6 ans et qu'il avait 5 frères et soeurs. Il travaille dans les boutiques où il transporte les marchandises...



A 16h pétantes, les garçons s'envolent comme une nuée d'oiseaux pour retourner au boulot. Ils n'ont pas de montre, pas de téléphone, en fait ils ont juste regardé la grosse horloge de la mosquée en face, ça tombe sous le sens. Amusant car décalé, une touriste très bon chic bon genre, blonde, la quarantaine bien brushinguée, prend des  photos de la vue, juste à côté de nous. Moins drôle un peu plus loin, des gamins de 10 ans paaas plus fument de la weed. L'un d'eux a une crème étrange autour de la bouche. Madhu m'explique que c'est pour teindre la barbe naissante. Quand on lui demande quelle couleur, il répond en gonflant le torse: "Gold!", ça promet!


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