Alors me voilà à Quetzaltenango ( ou Xela, si c'est plus simple), la ville où j'effectue mon volontariat pendant un mois dans l'association Trama Textiles. Xela est une ville bien plus agréable que la capitale, où on peut marcheeeeeer, prendre des chocolats chauds (excellents) dans des cafés pour certains un brin bobos, et surtout, danser!!! Eh oui, la salsa et moi, ça commence à ne faire qu'un, sans parler de la cumbia, du merengue, et du très classe (j'ironise biensûr) reggeton!!
Premier jour, je rencontre un Guatémaltèque dans mon "hostal", bed&breackfast que j'ai réservé pour ma première semaine, avant de migrer vers the Yoga House, maison partagée avec cours de yoga inclus, mais à laquelle je renonce après une visite rapide au cours de laquelle je constate que les photos en disaient bien assez long sur l'état de délabrement relatif des pièces, et puis la rencontre avec le propriétaire ne m'a pas enchantée, un Américain aux cheveux longs un peu crado dont la poignée de main m'écrase tous les doigts d'un seul coup (je considère que c'est une forme de machisme ou en tous les cas d'égoisme de ne pas considérer son interlocuteur autrement que comme soi-même, c'est-à-dire un bonhomme d'1,80m aussi large que haut avec des paluches de 20cm pouvant dégommer un labrador à mains nues - allez savoir pourquoi je choisis une image aussi nulle que gore, mais rien ne me vient à l'esprit - , et en plus pour un prof de yoga, je me dis que c'est moyen). Puis, quelques serviettes jaunies pendues dans la cuisine avec des légendes pour bien distinguer leurs fonctions (celle avec les rayures pour la vaisselle, celle avec les pois pour les toilettes, ça me dégoûte déjà rien que celle pour les toilettes soit étendue au-dessus de l'évier, et en plus, on voit pas franchement la différence entre les deux), le tout avec une légende très classe "So we don't eat our own shit", je saisis l'humour, et dans un autre contexte, serais prête à en rire, mais là on parle d'hygiène collective et j'ai du mal à ne pas trouver ça mauvais goût et un peu vulgaire (je sais, mon côté bouuuuuurge remonte en force et fait des ravages, mais j'avoue que c'est le genre de sujet que j'ai du mal à prendre au second degré - vous me direz que ce n'est pas le seul - !!), bref, si bien que je préfère rester dans mon douillet bed&breackfast où j'ai une chambre digne des meilleurs clichés sur Pinterest...
Mais revenons à ce charmant Guatémaltèque, médecin, à Xela pour "affaires" (décidément je ne sais pas ce que j'ai avec les hommes d'affaire, ça doit être mon côté bientôt fauchée qui se met au radar :p!) qui me propose d'aller dîner. Vu mon expérience récente dans un horrible fourbis où j'ai mangé sans le savoir (j'avais pas compris) des tortillas au porc et au fromage (beeeeeeeuuuuuuuurrrrrrrrkkkk), j'avoue que je suis assez tentée par cette opportunité de manger un truc sans doute normal ou en tous cas au standing ok, vu l'allure du personnage. Il me parle d'un endroit très bien, le "Tertuliano"... et là on arrive dans un espèce de palace kitsch avec serveurs en livrée, grands lustres... Assis à une table à nappe fleurie avec chandelles, je me dis avec un certain malaise qu'il doit y avoir un léger malentendu... Avec mes baskets crottées et mon jean délavé, je ne fais pas la fière et me sens carrément dans une situation ridicule quelque peu embarrassante. Gentiment, je lui demande si on ne peut pas aller dans un endroit un peu plus "casual", ça le fait rire car il croyait que les Français avaient leurs standings, mais du coup on part pour arriver à Xelapan, une chaîne de nourriture beaucoup plus simple (mais bon pas délicieuse non plus). Niveau conversation, je comprends vite que je suis tombée du côté du Guatemala friqué et sans scrupules, père militaire qui a fait fortune dans la vente d'armes (chaque magasin au Guatemala est gardé par un type armé jusqu'aux dents, donc ça rapporte), aucune remise en question du pouvoir politique (pourtant assez ostensiblement corrompu et violent), goût immodéré pour l'argent, le business et le luxe (bon pour ça je ne vais pas non plus le blâmer, ce serait être de mauvaise foi, après avoir privilégié une chambre confort sur une coloc roots :p!), un pragmatisme tout sauf romantique... Avec mon carnet de croquis et mon business plan plus que bancal, je fais plutôt pâle figure et je comprends surtout que les artistes en herbe n'ont pas forcément leur place dans un pays où, il est difficile d'exister autrement que d'un côté ou de l'autre du pouvoir... Malgré ce choc des cultures, j'aurai droit, au moment des aux revoirs, à un surprenant "keep following your dreams" too much façon latino, mais dénotant malgré tout une certaine compréhension, ceci à travers les limbes de nos deux univers. A moins qu'il ne s'agisse tout simplement d'une fine connaissance de la psychologie féminine :p! Également, quand une petite fille nous aborde pour nous vendre des bracelets, il lui murmure gentiment que ce n'est pas à elle de faire ça, sa maman, oui, mais elle non. Bref, il n'a pas absolument tout pour déplaire.
L'expérience se poursuit le lendemain à une soirée salsa, où tout à coup la tension monte parce qu'il a laissé sa bière vide sur la table d'un autre type, ils échangent quelques insultes pour ensuite se contenter de regards noirs, mais 10 minutes plus tard il me dit qu'il faut qu'on parte si je veux pas voir une bagarre parce qu'il a repéré que le type est allé cherché des copains qui se répartissent autour de la piste... ambiance! On migre donc dans une autre soirée, où un timide jeune homme m'invite à danser tout en me demandant si "mon ami" ne va pas venir lui casser la figure. C'est vrai que de loin, il a pas l'air commode! Je le rassure tout en étant moi-même de moins en moins rassurée par cette atmosphère décidément très chargée en testostérone (ou du moins ce que testostérone semble vouloir dire dans ce pays, c'est à dire un mélange de brutalité et de bêtise, remarque généralement ça va bien ensemble) qui commence à me taper sur les nerfs (ainsi que la "Quetzalteca", la liqueur du coin à laquelle on ne peut pas couper). La soirée prend de toutes façons brusquement fin quand une trentaine de policiers en noir armés jusqu'aux dents interrompt la musique et vide toute la boîte sans aucune explication. J'apprends plus tard que sous prétexte de la limite horaire pour le bruit, la police effectue des descentes pour faire pression sur les boîtes qui ne leur reversent pas la taxe qu'ils prélèvent sur l'alcool vendu (bienvenue dans le pays de la corruption). Bref, une entrée en matière nocturne plutôt chargée en sensations fortes qui laisse une drôle d'impression...
Le matin, entassée dans un "chicken bus", une "camioneta" en Espagnol, complètement étouffée entre les jupons de ma voisine et les gens qui se fraient un passage entre les dizaines de passagers littéralement écrasés les uns contre les autres pour s'extraire du bus et descendre, je me rends à la fameuse "feria" vantée dans toute la ville, en réalité une fête foraine (dans laquelle je ne me risquerais JAMAAAAAAIIIISSS à essayer le moindre manège #rouille#boulonsmanquants#suicide) où les gens de toute la région viennent en famille, Indigènes ("Indigenos" comme ils s'appellent eux-mêmes, par rapport à "Indios", péjoratif) sur leur 31, en costumes traditionnels éblouissants de couleurs et de virtuosité (broderies et tissages imbriqués somptueux), manger dans les gargotes (assez infâmes je dois dire) refluant des odeurs écoeurantes de viandes brûlées et d'huiles frites qui vous assaillent. Puis c'est le retour en chicken bus, la traversée du marché d'une densité effarante de légumes, de fruits, de viandes, de gens, de bruit et d'odeurs, de jupes et de couleurs, pour rejoindre le centre ville, où la foule converge dans une clameur humaine absolument étourdissante pour célébrer le mythique "Grito de la Indenpencia", à grands coups de fanfares et de défilés folkloriques, sans compter les sono assourdissantes qui sortent de TOUS les bars de la place centrale.
C'est dans un espèce d'épuisement sensoriel et émotionnel que je rentre dans mon hostal, vidée de toute substance personnelle, éreintée par ce tourbillon humain, musical et visuel... Je crois que c'est la première fois que ça me fait ça, même l'Inde n'avait pas réussi à m'achever ainsi. Quelques pétards dans la rue, et je sombre dans le plus profond sommeil.
Le lendemain, je me présente au volontariat. L'association, c'est l'histoire
d'Amparo et Oralia, deux femmes qui ont décidé de s'unir autour d'un
projet pour permettre aux femmes indigènes de survivre économiquement et
psychiquement à la guerre civile et ses horreurs, qui les a privées de
leurs maris, et donc accessoirement de ressources pour élever leurs
nombreux enfants et les a, au passage, complètement traumatisées. Elles
ont décidé de valoriser le savoir-faire artisanal qu'est le tissage, et
de former une coopérative pour vendre les créations directement aux
clients sans passer par un intermédiaire, afin que les tisserandes
touchent l'intégralité du fruit de leur travail. C'est vrai qu'en Inde
ça m'avait peinée de voir autant de merveilles artisanales entassées
dans des magasins en ville et vendues un prix conséquent, car il était
évident que ceux qui se mettaient tout dans la poche étaient biensûr les
revendeurs et certainement pas les artisans, qui sont prêts à vendre à
n'importe quel prix, par ignorance ou par nécessité... Donc là, pas de
"middleman" comme elles disent, c'est elles qui gèrent tout, elles ne
sont qu'un intermédiaire entre les femmes des villages et les clients.
Le tissage est aussi pour les femmes un moment de concentration qui les
apaise en empêchant leur esprit de repenser au passé... Mais attention,
il faut être exigent avec le travail, la dernière fois un tissage avait
des défauts, Amparo a creusé et en fait la tisserande a tellement de
travail qu'elle est obligée de tisser la nuit, mais comme son mari
s'énerve que la lumière soit allumée, elle doit faire ça à la
chandelle...
Première réunion: échange autour du programme d'aide au développement de l'accès à la santé, aux consultations gynécologiques surtout, qui pose un énorme problème, tout comme la vaccination des enfants, car les gens se méfient tellement des pratiques médicales et les rejettent tellement culturellement, surtout en gynécologie, qu'ils refusent parfois toute aide même venant d'initiatives locales... Je débarque vraiment dans un autre monde...
Première réunion: échange autour du programme d'aide au développement de l'accès à la santé, aux consultations gynécologiques surtout, qui pose un énorme problème, tout comme la vaccination des enfants, car les gens se méfient tellement des pratiques médicales et les rejettent tellement culturellement, surtout en gynécologie, qu'ils refusent parfois toute aide même venant d'initiatives locales... Je débarque vraiment dans un autre monde...
Super
cliché de dire ça évidemment, mais quand même, ma dernière réunion,
c'était l'indice de fréquentation en magasin, la classification et la
typologie de produits dans des tableaux aussi précis qu'absurdes, des
termes comme "l'agressivité du marché", concepts effrayants qui
m'avaient donné le tournis et surtout une bonne nausée... Sans pour
autant me donner envie de postuler à Médecins sans Frontières, une
curieuse impression d'être loin, vraiment très loin de l'essentiel...



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