Tristement, j'apprends que nombre des motifs, costumes et couleurs ont été imposés au peuple Maya par les colons Espagnols, afin de bien distinguer les villages les uns des autres, et surtout empêcher tout regroupement entre villages différents. En effet, l'identification par le costume ôtait tout anonymat à celui qui eût voulu aller se promener du côté du voisin, empêchant ainsi toute velléité de rassemblement... Il est étonnant de voir avec quelle passion et dignité les ouvrages sont réalisés, comme si les peuples s'étaient approprié cet art et avaient transmis à travers les tissus un peu de leur âme et de leur esprit, transcendant le joug de l'oppression en y insufflant leur propre conception artistique, mystique et personnelle de la beauté, de l'identité et de l'imaginaire. Biensûr, le résultat de ces costumes est un dialogue entre les vêtements pré-hispaniques aux dessins mythologiques et aux belles teintes subtiles et les nouveaux codes imposés. C'est ce métissage impressionnant de visions et de codes qui, sans doute, rend cet artisanat si touchant et si unique. Je me souviens qu'en Bolivie, on voit des hommes porter de surprenants casques de l'armée espagnole du 16 siècle, entièrement tricotés en laine dans des motifs géométriques inspirés de la religion Aymara, dans des couleurs fabuleuses... En fait, de nombreux arts trouvent leur origine dans l'expression déguisée d'une culture passée et proscrite, de croyances clandestines abhorrées, de traditions étouffées et interdites. Je pense à la capoira, au jazz, à mille autres arts nés de l'expression ultime et formidable d'univers mentaux, culturels et religieux, naissant dans la toute petite place qui leur a été accordée, assignée, comme si justement, par un effet de concentration extrème et réduite à son expression la plus minime, l'art pourfendait ses limites pour renaître autrement, plus fort encore et nouveau, gorgé de révolte, de soif de liberté, d'indépendance et d'humanité. Ces arts qui rendent toute l'Amérique, tristement, si fascinante...
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