Gilberto...
Visite à Gilberto, un artisan qui tisse sur un métier à pédale. Je le
trouve au jardin, liant les tiges de fleurs qu'il fait sécher avant d'en
extraire la couleur, un jaune orangé magnifique d'une grande subtilité,
dont la teinte varie selon le séchage, créant une palette infinie
d'ambres, de tons mangue, abricot, ocre, soleil rougeoyant sur les blés,
feu chatoyant dans l'âtre d'une cheminée... Il m'explique qu'avant on
était très limité en couleurs puisque toute teinte venait de
l'environnement immédiat, et que les nouvelles teintes artificielles
prolifiques et multicolores ont enrichi le travail des tisseurs, quand
ils n'ont pas contribué à l'extinction d'un savoir qui construisait son
esthétique sur une palette restreinte et subtile de nuances d'une même
famille...
C'est de cette tension entre ancien et nouveau que naît et continue de
naître un dialogue artistique entre les artisans et leurs créations,
est-il regrettable ou souhaitable? Sans doute la rencontre inévitable
des mondes rend cette question vaine. Dès lors, il s'agit sans doute
d'établir une conversation intelligente, un dosage subtil entre ancien
et nouveau, entre art indigène et influence extérieure, inscrivant les
savoirs-faire dans un processus d'évolution et donc d'une
certaine manière, de survie d'un savoir qui sans cela, n'aurait sans
doute de place que dans un musée, alors même que leur énergie, leur
vitalité artistiques et émotionnelles les rendent précieux aux
vivants...
J'ai
récemment découvert un point de broderie somptueux qui
m'a fait penser à la passementerie française. On m'a informée qu'il
s'agit du travail du village d'Aguacatenango, dont les femmes venaient
jusqu'à San Cristobal pour travailler comme main d'oeuvre dans les
ateliers de broderie du temps des Espagnols... Il est fascinant de voir
comment ce village a digéré ce point à sa façon, l'a transformé, se
l'est approprié, et le pratique toujours aujourd'hui alors qu'il a
pratiquement disparu en Europe... Je crois que de l'inéluctable
rencontre des cultures doit naître un échange, une fusion et une
récréation des Arts, des techniques et des esthétiques, un métissage
enrichissant qui nous permette d'intégrer notre diversité au sein même
de notre individualité, et d'incarner notre passé jusque dans le
présent, afin qu'il nous habite et nous apporte ce dont nous avons
hérité, dans un désir de conservation, de transformation, de
renaissance.
Il faut en faire un livre
RépondreSupprimerHaha merci mama my fisrt fan ! Il s'agit de l'article pour l'ONG Uekani
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