mercredi 25 décembre 2019

les artisans du Chiapas: Gilberto...

Gilberto...


Visite à Gilberto, un artisan qui tisse sur un métier à pédale. Je le trouve au jardin, liant les tiges de fleurs qu'il fait sécher avant d'en extraire la couleur, un jaune orangé magnifique d'une grande subtilité, dont la teinte varie selon le séchage, créant une palette infinie d'ambres, de tons mangue, abricot, ocre, soleil rougeoyant sur les blés, feu chatoyant dans l'âtre d'une cheminée... Il m'explique qu'avant on était très limité en couleurs puisque toute teinte venait de l'environnement immédiat, et que les nouvelles teintes artificielles prolifiques et multicolores ont enrichi le travail des tisseurs, quand ils n'ont pas contribué à l'extinction d'un savoir qui construisait son esthétique sur une palette restreinte et subtile de nuances d'une même famille...





C'est de cette tension entre ancien et nouveau que naît et continue de naître un dialogue artistique entre les artisans et leurs créations, est-il regrettable ou souhaitable? Sans doute la rencontre inévitable des mondes rend cette question vaine. Dès lors, il s'agit sans doute d'établir une conversation intelligente, un dosage subtil entre ancien et nouveau, entre art indigène et influence extérieure, inscrivant les savoirs-faire dans un processus d'évolution et donc d'une certaine manière, de survie d'un savoir qui sans cela, n'aurait sans doute de place que dans un musée, alors même que leur énergie, leur vitalité artistiques et émotionnelles les rendent précieux aux vivants...


J'ai récemment découvert un point de broderie somptueux qui m'a fait penser à la passementerie française. On m'a informée qu'il s'agit du travail du village d'Aguacatenango, dont les femmes venaient jusqu'à San Cristobal pour travailler comme main d'oeuvre dans les ateliers de broderie du temps des Espagnols... Il est fascinant de voir comment ce village a digéré ce point à sa façon, l'a transformé, se l'est approprié, et le pratique toujours aujourd'hui alors qu'il a pratiquement disparu en Europe... Je crois que de l'inéluctable rencontre des cultures doit naître un échange, une fusion et une récréation des Arts, des techniques et des esthétiques, un métissage enrichissant qui nous permette d'intégrer notre diversité au sein même de notre individualité, et d'incarner notre passé jusque dans le présent, afin qu'il nous habite et nous apporte ce dont nous avons hérité, dans un désir de conservation, de transformation, de renaissance.

2 commentaires: