dimanche 12 janvier 2020

Mexique: Chapitre 1: C'est la Merde!!!

Alors, que dire du Mexique??? En passant la frontière du Guatemala, la route se transforme, on passe des trous immenses dans le goudron à une route bien asphaltée qui file droit jusqu'à San Cristobal, en passant par des villages qui ont l'air de villages (car au Guatemala, village = quasi bidonville). Un mois que je suis là et chaque jour j'ai tellement de choses à raconter, mais le temps passe teeeeellement viiiite et je ne sais pas comment je fais mon compte mais je suis toujours teeeellement occupée!!!


Tout a commencé dans la panique (comme d'habitude en fait, ça serait bien que je prenne le pli un jour...). J'arrive à l'auberge réservée par l'ONG Uekani à laquelle j'ai proposé de réaliser les portraits de ses artisans et d'écrire des articles sur leur travail en échange du logis pour deux semaines, mais l'endroit me laisse une impression désagréable sur laquelle j'essaie de de passer, jusqu'à ce que je soulève la couette... Je vous passe les détails, mais, après avoir fait changer les draps, je me jure que je ne passerai pas une nuit de plus dans cet horrible endroit. Le lendemain, je refais donc mes valises et prends mes jambes à mon cou, après avoir réservé une chambre dans un endroit qui a l'air plus sobre mais plus propre. J'arrive en effet dans un joli bed and breackfast, juste un poil ennuyeux car il n'y a vraiment PERSONNE à rencontrer... De plus, après une conversation avec la responsable de l'ONG, j'apprends que finalement je ne vais pas pouvoir les rejoindre à leur nouveau QG à Oaxaca car ils vont justement profiter des fêtes pour partir en vacances... Bouquet final, la brodeuse qui devait me dispenser un cours d'une semaine est injoignable, le contact donné par mon amie Argélia est absent de la ville pour un moment... Bref, je me vois complètement perdue et sans repères dans un nouveau pays dont je ne connais rien ni personne, à propos duquel je ne me suis absolument pas renseignée car j'étais teeellement occupée au Guatemala les derniers temps... le tout sans aucun plan b, paniquée, paralysée et incapable de réfléchir. En sus de ça, la fille pour qui je devais dessiner une collection au Guatemala ne me donne plus signe de vie, tout ça après tout le boulot et les rdv de mise au point... Mon "groupe" de travail autour d'un projet de vêtement au Guatemala ne répond plus non plus, je reçois un message désagréable d'une bonne amie de France, le genre de truc qui vous met bien mal quand c'est déjà pas la grande forme...


Je suis toute seule, ma coloc qui était aussi ma compagne de voyage me manque, je me demande ce que je fous là, ma vie bien structurée et mes petites habitudes de Xela me manquent atrocement, je ne sais pas où aller manger, il faut tout réapprendre, je me sens comme un imposteur en voyage, une fille qui ne rêve que de sédentarité et de stabilité mais qui voyage pour se donner un style, ou pour réussir à passer outre ses échecs sentimentaux et professionnels, une fille qui dans quelques mois reviendra en France chez ses parents (au passage, adorables, donc c'est une chance!!) en se disant "et maintenant?" et qui aura gâché tout son patrimoine accumulé pendant 7 années de travail, 4 boîtes et je ne sais combien d'équipes, 4 appartements et 5 déménagements, déjà deux changements de vie à son actif, et tout ça pour quoi??? Pour angoisser bêtement devant le mur blanc en béton d'une chambre à l'autre bout du monde, qui ne me renvoie que des angoisses, des questionnements, des doutes... Bref, c'est la MERDE!!


Je rends néanmoins visite aux artisans de l'ONG, un peu angoissée à l'idée de réaliser des sortes "d'interviews" dont j'appréhende la platitude... De plus je n'ai jamais été très bonne pour "faire la conversation", j'ai peur de ne pas trouver de questions et de finir par écrire un truc vraiment pauvre, et encore une fois, je me dis que c'est bien beau de vouloir jouer les reporters du dimanche... Contre toute attente, les rendez-vous se passent hyper bien, car c'était sans compter la bienveillance et la générosité naturelles des personnes qui me reçoivent comme s'ils me connaissaient depuis longtemps... J'ai le souffle coupé par la simplicité et la sincérité avec lesquelles Mari, Rosa, Gilberto et les Patistan me racontent leur vie, me parlent d'eux, leurs états d'âme, leurs sentiments. Je me rends compte qu'on est juste entre êtres humains et ça va tout seul. Pour Noel, Mari m'offre un magnifique tissu tissé par sa maman... c'est un cadeau si précieux et si immérité que j'ai honte d'accepter, mais je sais que je ne peux pas refuser. Je ne sais pas pourquoi ce temps précieux avec des artisans du beau qui mènent une vie si modeste m'emmène si loin, dans un endroit merveilleux où rêver du beau et le réaliser est une évidence, quelles qu'en soient les implications.


Je tente une sortie dans un bar connu pour ses concerts salsa, je ne me fais inviter que par des types archi louches ou à moitié bourrés... Humm, on repassera... Deuxième sortie dans un bar qui joue de la "bad ass" music, un mauvais reggaeton que j'apprécie pourtant, mais, avec mon look de bobo voyageuse (grand imper hyyyypra stylé chiné dans une brocante, écharpe du Guatemala, sac de l'asso Trama Textiles, jupe en soie), je me sens vite comme un éléphant dans le salon et retourne vite dans mes quartiers.






Très esseulée et pour fuir mes angoisses auxquelles je ne fais que trop face dans ma petite chambre blanche aux allures monastiques (ou cellule de prison, au choix), je contacte les deux premières personnes dispo sur couchsurfing, un type intéressant mais qui se révèle vraiment étrange, qui me propose à la fin d'échanger des écrits érotiques et qui veut m'acheter un dessin (no comment), ainsi qu'un type encore plus étrange mais magique, fils de paysan qui a fait tous les métiers, de plongeur à Mariachi, qui me raconte quelques histoires merveilleuses, dont je vous livre un résumé:

La première décrit un jardin misérable où arbres et plantes dépérissent. Quand on leur demande ce qui ne va pas, le palmier dit qu'il est malheureux car il souhaiterait porter des oranges, l'oranger envie le sapin qui n'est jamais nu en hiver, le sapin se lamente car il n'a pas de feuilles, le cactus se désole de ses épines et envie la mousse moelleuse qui elle, envie le palmier qui porte si haut... Seule la rose resplendit, et quand on lui demande ce qu'elle souhaiterait, elle répond qu'elle ne souhaite rien, car elle a déjà tout, elle est elle-même et c'est déjà immense...







Puis il me raconte qu'il a travaillé des années à Puerto Escondido, et qu'un jour qu'il était sur la plage il a vu une tortue qui venait enfouir des oeufs dans le sable, avant de repartir au large... Il a attendu son départ pour effacer ses traces qui pourraient guider d'éventuels prédateurs humains (les oeufs de tortue sont objets de convoitise). Pendant cette attente il a réfléchi. Il me dit que cette tortue doit confier ses oeufs à l'univers car ils sont vivants en elle et arrivés à maturation, et c'est une nécessité de s'en délivrer. Elle les laisse à la terre en espérant qu'ils écloront pour devenir d'autres êtres dans le futur, mais les abandonne car c'est ainsi, ils grandiront d'eux-mêmes si telle est leur destinée. Et probablement peut-être un seul ou deux des 10 oeufs laissés dans le sable auront quelque réelle chance de survivre. Il me dit qu'il en est de même de la créativité, c'est quelque chose qui nous habite, quelque chose dont on doit accoucher car c'est trop fort pour rester à l'intérieur. Mais rien ne garantit rien, et toute la magie est dans ce manque de certitudes, ce tranquille abanbon et cette paisible acceptation des aléas de la vie et du destin. Et c'est justement dans ce hasard auquel il s'abandonne que l'Art s'exprime dans toute sa sensibilité, sa beauté et son paroxysme. Car c'est de ce fragile équilibre entre force du message et incertitude de sa réception que naît l'expression utlime de l'intériorité. L'Art est l'émission d'un message essentiel qui espère rencontrer un destinataire, un jour... L'Art est un gracieux funambule qui danse sur un fil avec un bandeau sur les yeux. Et n'est-ce pas ce périlleux équilibre même qui définit l'artiste, ce vertige qui l'habite en permanence, qui crée en lui un grand vide, alimenté par des peurs, des doutes, en même temps qu'un élan passionnel pour le beau, constituant tout le matériau de son travail, cette incertitude et cette force qui ensemble, comme deux amants ennemis, l'emmènent dans un tourbillon éphémère qui l'étourdit en permanence?


J'aimerais croire que mes afflictions naissent de ce vide nécessaire, mais je suis certainement juste une grosse angoissée qui manque de stabilité émotionnelle haha. Néanmoins, j'ai été très reconnaissante de ce récit merveilleux conté par un Samuel lumineux et bienveillant. Je vais me coucher avec un coeur un peu plus léger, car je sens qu'il y a quelque chose de tellement juste là-dedans, que je dois certainement passer à côté de quelque chose avec mes angoisses disproportionnées.




Village de Zinacantan, Chiapas.


Puis, ma coloc de Xela arrive pour 3 jours et je respire, je me sens nulle d'avoir autant besoin de compagnie, mais enfin c'est juste bien d'être avec une amie, et je me rends compte par comparaison de ce que le mot solitude veut dire. On passe 3 jours plus légers en excursions dans les villages avoisinant.

Dégustation de la boisson locale à base de mais: le Posh.

Un petit tour à la féria du coin, je me régale de tir au fusil à plomb ou de lancer de poids pour casser des bouteilles en verre, ainsi qu'une bonne partie de babyfoot. Je suis la seule fille à jouer et je me sens l'âme d'un petit garçon qui a enfin le droit de tout casser, ça fait un bien fou.


Ma réservation au bed and breackfast prend fin et j'ai envie d'en profiter pour fuir cette ville où je ne me sens pas bien en suivant ma coloc qui part à Oaxaca, mais je ne sais pas pourquoi je décide de rester, j'ai encore un artisan à aller voir... Je décide tout de même de changer de logement car je n'en peux plus de l'intimité familiale du bed and breakfast, et je saute sur la proposition d'une fille que j'ai rencontrée et qui a emménagé dans une grande maison à deux blocks de maisons de là où je suis. Apparemment, c'est une maison partagée dont une chambre est louée en dortoir, il y a un atelier  pour peindre et la maison est remplie de musiciens. Je saute sur l'occasion...

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