mercredi 30 août 2023

Yaxcabà, Mexique


Bon, que dire de cette nouvelle expérience de voyage au Mexique? Pour commencer, le pire... J'arrive à Cancùn, je retrouve mon amie Flora qui m'attend dans une famille. Premier jour pour aller à la plage, je manque de m'évanouir dans le bus bondé et irrespirable... À demi-morte, par terre la tête dans mes bras en attendant le prochain arrêt (le chauffeur a refusé de me laisser sortir), je prends conscience que du vent me chatouille le visage et me ramène à la vie. En levant la tête, j'aperçois des éventails qui me font de l'air silencieusement, dans les mains discrètes de femmes compatissantes, mais qui, pudiques, ne me lancent pas un regard...

 

On arrive au village. Déjà inquiète au sujet de la dengue qui, je l'apprends juste avant de m'envoler, sévit dans tout le Mexique tropical, j'ai la confirmation en arrivant que les moustiques du village sont porteurs... De plus, on a la chance d'avoir une petite piscine dans la maison, mais je sens bien que c'est la pire des idées car, mal entretenue, (et ce sera le cas), c'est l'endroit rêvé pour les oeufs... Sans compter les "basura", ordures laissées un peu partout dans le jardin... Ni une ni deux, Flora développe une bonne fièvre et une forte migraine qui m'inquiètent. Nous allons au "centre de santé" du village et on nous confirme que ça ne peut qu'être ça, même s'ils n'ont même pas le matériel pour faire une prise de sang! Ahlala et apparemment les variants sont les numéro 1 et 3, et moi dans mes souvenirs, j'avais plutôt contracté le 2, celui qui donne la forme hémorragique et dont j'avais fait les frais seule en Thaïlande, donc je ne suis pas du tout immunisée, au contraire, j'ai beaucoup plus de chances de développer une forme grave, et nous somme à 2h de route de la ville la plus proche! Évidemment, il n'y a pas d'ambulance au village... J'imbibe mes vêtements d'anti-moustiques tous les matins, ma peau aussi, mais je me fais quand même piquer, sans compter que la moustiquaire que j'utilise la nuit ne me protège pas car les moustiques porteurs piquent le jour... L'horreur! Avec Flora dans son hamac un jour sur deux selon la température qui monte et qui descend (typique de la dengue), aucune compagnie extérieure, le moral n'est pas au beau fixe... Finalement, elle guérit, mais cette fois c'est moi qui me sens super mal. estomac en compote et fatigue extrême, intoxication alimentaire! Je suis si faible que je passe plusieurs journées à même le sol sur un tapis de yoga, car le confort est plus que rudimentaire dans la maison. Après une première semaine épuisante à équiper la maison qui ne contient que deux chaises, une semaine d'aller retours épuisants sous le cagnard et 38 degrés pour aller chercher une poêle chez un tel, un couteau chez une telle et j'en passe, c'est le coup de grâce.

 

ne vous fiez pasaux apparences, cette fille a l'air en pleine santé maisest enréalité en pleine convalescence!
Ne vous fiez pas aux apparences, cette fille apparemment en pleine santé, sort tout juste d'une convalescence passée dans un hamac, et sourit bravement à la caméra...
 
Tenue de danse "Jalana" de garçon, composée d'une chemise "guayabera", importée de Cuba et portée par les hommes yucatèques, qui m'a inspirée pour me vêtir dignement et avoir l'air classe même par 45 degrés...





 

Petit retour sur l'arrivée dans les lieux: une maison cube en ciment sans charme qui a l'avantage inestimable d'être propre, en bon état, avec une vraie salle de bain et avec la clim. J'entre prendre une douche en arrivant de voyage et je hurle! Deux énormes cafards ont élu domicile sous la cuvette. La fois suivante c'est une grenouille qui m'accueille avec des croassements et des bonds gigantesques, et enfin une méga araignée... C'en est trop! Je comprends que je ne suis définitivement pas faite pour le voyage. Chaque geste est une épreuve. Dans la rue, on passe des heures sous le cagnard à saluer tous les gens que Flora connaît et n'a pas vu depuis son retour après un mois. Je ne me retrouve pas dans les conversations chez les familles, ça parle de récoltes, de maïs, et d'esprits, et franchement, je me sens très loin de chez moi. Les plats en sauce au cochon fraichement tué m'écoeurent, les animaux odorants dans les jardins jonchés de détritus me répugnent. Les chiens nous aboient dessus à chaque passage, et je vis un cauchemar éveillé la nuit où j'aide Flora à déplacer son châssis à ourdir (un grand rectangle en bois de deux mètres sur deux monté sur pieds). En effet, les chiens déchaînés, déjà très agressifs de nuit, nous prennent pour une sorte de bête encore plus monstrueuse qu'eux, et nous marchons sous les grognements, assauts, aboiements hystériques et crocs à vif pendant une longue demie heure, tout en tentant de garder le contrôle sur notre terreur pour éviter qu'ils ne la sentent, tout ceci dans le noir complet! Mon sang-froid est mis à rude épreuve et je comprends en arrivant que j'ai tout donné, que je suis sous le choc et traumatisée. C'est bien la dernière fois que je sors de nuit, une nouvelle perspective réjouissante. De plus, le sol en ciment brut de notre maison me fout le cafard...

 

 

Puis, c'est la recherche de couturière et de brodeuses qui commence. Mais personne n'est trop libre, tout le monde me dit que deux mois c'est trop peu, que les femmes sont occupées jusqu'au 12 août au moins (vu les circonstances, j'espérais VRAIMENT partir avant)! Je désespère... En plus, comme je suis complètement paniquée et dépaysée et que j'ai pris l'habitude de suivre Flora, chose tentante mais trompeusement rassurante car accentue en même temps mon sentiment de vulnérabilité, je ne me sens vraiment pas autonome et nulle.

Je retrouve mon sentiment d'impostrice en voyage, j'ai le mal du pays, ne sais pas quoi manger, me lasse d'un tête à tête maladif né de la force des choses... Les broderies du village ne m'inspirent pas, je me demande pourquoi je suis là, pour faire une collection qui aura à peine 30 vues sur instagram, ça me renvoie à mes inquiétudes sur un succès commercial plus que modeste, malgré l'épanouissement né de la réalisation des projets qui me trottent dans la tête, j'ai peur de m'épuiser un jour et de ne plus en pouvoir. Et alors je ferai quoi? Et avec ça les années auront passé et je me retrouverai vieille fille et j'adopterai un chat, locataire à vie d'une maison insalubre, sans retraite et artiste déchue (hashtag Caliméro)... Et tout ça au lieu de profiter d'un bel été en France à errer sur des routes sécurisées, propres et entretenues (contrairement aux sentiers à peine défrichés d'ici, plein de serpents venimeux et de tarentules, quand il ne s'agit pas de sacs plastiques abandonnés un peu partout...). Tout me pèse, j'ai envie de fuir mais je n'en ai pas le courage...

Finalement, grâce à un ami de Flora, je rencontre deux brodeuses, mon affaire avance un peu... De même, je tombe par hasard sur une charmante femme qui fait de la confection et qui semble très motivée par mon projet. Enfin, je rencontre mon futur "maître", un monsieur qui fabrique des hamacs et qui est d'accord pour m'enseigner la technique afin que j'en fasse un top et une jupe (mais je dois me débrouiller pour l'adapter, car, dit-il, la technique n'est pas du tout adaptée et lui il fait les hamacs, point). Pour cela, je dois faire fabriquer un "bastidor", châssis, sur mesure. Je prends rdv avec le menuisier du coin, et je suis encore bonne pour un délai d'une semaine. Mais je me lance, je dessine les modèles, les broderies, je vais passer deux journées à Mérida pour écumer toutes les merceries de la ville et trouver boutons, zips, bords côtes, doublures, fils à broder, à ourdir... et de l'eye-liner (par cette chaleur, mon crayon fond dans ma peau et me laisse des cernes de panda!)!

Mon sex-appeal au plus bas, je tente d'avoir confiance dans les modèles de vêtements et de broderies que je lance au petit bonheur la chance, avec les doutes habituels sur tout, est-ce que ce sera la bonne coupe, ce n'est pas très original, il faudrait que ce soit plus spectaculaire mais en même temps j'aime les vêtements qui se portent, est-ce qu'on a pas déjà vu ça dix fois, et j'en passe.

 





 
 
 
De retour au village, j'ai envie de me pendre, moi qui pensais écumer les bars à salsa, mener la belle vie et siroter des bons petits cafés dans des endroits gentrifiés (hashtag boboqu'onnerefaitpas), j'ai l'impression de passer à côté de mon été. Je pense que c'est le moment de fuir mais en même temps j'ai déjà lancé tous les modèles. Je suis prise entre deux feux: tout abandonner pour préserver ma santé mentale, ou tenir le coup encore deux semaines pour aboutir mon projet. Je pense aux chercheurs d'or qui descendent à la mine pour faire fortune et ne peuvent plus lâcher ce travail dangereux et ingrat en attendant d'au moins ramener une pépite, à cause de tous les sacrifices qu'ils ont déjà fait...

Mais heureusement, les cours d'ourdissage commencent, et mon coeur bascule. Je me prends de passion pour cette pratique lente qui fait travailler mes mains. Plongée dans les couleurs que j'ai choisies comme une peintre, je manipule les fils pour trouver les harmonies et j'ai l'impression de fabriquer une peinture abstraite avec mes doigts... C'est super agréable et primitif, je me sens merveilleusement bien. Mon maître a une présence très apaisante, il me dit que j'apprends vite et bougonne tout autant quand je perds le fil et me trompe de ligne, de point, de noeud, au gré de mon esprit qui s'égare au fil de mes pensées. Ses petites filles piaillent de tous les côtés, elles sont adorables et je baigne dans une ambiance familiale qui me rassure sans me peser.

 



 Avant... 
 
 
Après !
  
 
 
Je m'épuise pour autant, car tous les matins, je rends visite aux brodeuses dans trois maisons différentes pour chercher les broderies qu'elles ne finissent jamais, et mes allers et venues en vélo sous la chaleur oppressante me donnent d'immenses suées. Je vois le temps qui passe et je me mets la pression, je leur mets la pression, je vais aussi tous les jours chez la couturière lui remettre tel ou tel tissu terminé pour qu'elle puisse avancer. Les femmes me répondent de tranquilles et inlassables "mañana", "demain", qui me lassent véritablement! Je ne sais pas si elles me font tourner en bourrique et si je dois m'énerver, ou si je dois lâcher car je suis juste une européenne sous pression et que c'est comme ça ici, du coup je suis dans un entre deux, je trépigne mais je ne dis rien de désagréable, sauf une fois où je demande une date une bonne fois pour toutes car "je ne vais pas repasser dix fois" (ça y est, elle a craqué, et malheureusement pour elle, son Espagnol s'est suffisamment amélioré pour que ça sorte vraiment tout seul naturellement humhum). Ça laisse un petit froid mais du coup ça avance... En plus elles abîment les toiles que j'ai apportées de Paris! Il y a des tâches de tortillas, alors je revois le dessin pour les cacher avec la broderie! Je lâche beaucoup prise...

 



Entre temps, je donne un atelier dans une communauté de brodeuses dans un minuscule village. Les femmes sont très curieuses et ont envie d'apprendre, quoi que ce soit, me disent-elles. Ici et au village, je suis "la maestra", du moment que je ne suis pas d'ici, je suis la maestra, car c'est sans doute la seule raison qu'elles trouvent à ce que je vienne dans le coin. Je tente d'expliquer l'idée de profondeur visuelle dans les broderies. Je sens que je les perds et en plus elles parlent entre elles en Maya et d'un coup l'une d'entre elles me demande en Espagnol si mes cheveux sont naturels. Je dis oui et alors elles veulent toutes toucher et tirent délicatement sur mes boucles. "Mais comment tu te peignes alors?", lance la plus intrépide. Je réponds que je ne me peigne pas, je me lève comme ça le matin. Je sens que ça les choque, mais elles rigolent et c'est sympa, c'est plus une conversation entre femmes du coup. La médiatrice leur explique que "la nature est bien faite, car voyez, elle avec son tout petit visage ça lui va bien ces gros cheveux, mais imaginez-nous avec nos grosses têtes si en plus on avait des gros cheveux!".

C'est un peu impressionnant et solennel car je dois aussi leur expliquer mon projet en Espagnol pour voir si ça les dit, et un interprète est là pour traduire en Maya... Finalement elles sont toutes d'accord et ça les fait rire mon histoire de jaguar/femme libre. 

 

 

 

 On me parle d'un village où les femmes indigènes, réduites en esclavage, devaient produire des toiles "manta" en coton de qualité pour les Espagnols, et contraintes de porter des toiles rustiques et si fines qu'elles les couvraient à peine, ce qui les a poussées à entièrement les ornementer de broderies épaisses aux motifs gigantesques pour se couvrir. Ça m'émeut beaucoup, et c'est pour ça que dans ce village seulement les motifs recouvrent presque tout le "hipil", alors que dans tout le Yucatàn, les broderies décorent l'encolure et le bas du vêtement.

 

 


Petite balade dans la forêt. Au détour d'une milpa (champs de maïs), j'aperçois une surface en béton et Flora me dit qu'il y avait là un grand poulailler avant mais qu'un jaguar les mangeait... Même si je sais que les félins sortent principalement de nuit, je me sens de plus en plus stressée à l'idée qu'il y en ait un qui rôde et nous bondisse dessus. Je frémis à chaque craquement de feuille. Quand je partage mon inquiétude à Flora en pensant qu'elle va me dire que je me fais du souci pour rien, elle me répond innocemment: "c'est vrai que c'est pour ça que j'aurais préféré qu'on emporte une machette", hum hum!!! Bon, nous apprendrons plus tard que les jaguars de la région sont en fait très petits et ressemblent plutôt à des ocelots.

Mais une autre fois, accompagnées par Manuel, un monsieur qui a tout appris de son grand-père, je me sens beaucoup plus rassurée et il nous explique tous ses secrets. Il a divisé son terrain en deux et en laisse un se reposer pendant qu'il cultive l'autre, pour éviter d'étendre son terrain à l'infinie en "prenant sur la forêt". Il laisse certains arbres à fleurs qui ne lui apportent pas de fruits, pero bueno, a las aves les gustan, "mais les hirondelles les aiment", il accroche des tissus imbibés de sa sueur pour effrayer les blaireaux qui saccagent toutes ses plantations, mais il n'aime pas les tuer, alors il a trouvé cette idée... Ici la plante qui guérit la diarée, celle contre les coliques, celles qui est rouge à l'intérieur et qui stoppe les hémorragies, celle qui draine le sang et les calculs, celle pour les douleurs à l'oreille. Il ne désherbe pas tous les arbres qui ne lui servent pas pour la culture, car ils font de l'ombre aux petits "frijols" (haricots noirs) naissants, et à lui aussi quand il prend une pause. Il casse la tige des maïs une fois hauts pour abriter les grains de la pluie et qu'ils sèchent avec le temps pour faire de la farine, et aussi pour les dérober au regard des oiseaux qui les repèrent de haut. Il aimerait passer toute sa vie ici et construire une petite cabane. Beaucoup d'hommes nous confient qu'ils aimeraient vivre "al monte", dans la forêt, pour être tranquilles et loin du bruit, mais "a ellas no les gustan", elles, elles ne veulent pas, disent-ils en parlant de leurs épouses.

 





 
Toutes les femmes que je rencontre me demandent évidemment si je suis mariée, et quand je leur réponds que non, elles me disent que c'est mieux, car les hommes "nos engañan, nos dejan, toman" ("nous trompent, nous quittent, boivent"). Je me demande si elles me disent ça par empathie pour mon cas qui semble désespéré pour que je me sente mieux, ou bien si c'est vraiment ce qu'elles pensent... En même temps, plusieurs tristes exemples viennent illustrer leurs propos et me fendent le coeur. On ne compte plus le nombre d'hommes qui ont quitté leur épouse enceinte. Une vieille dame me confie qu'elle a accouché seule de son quatrième enfant. C'est sa "pobre mamà" ("pauvre mère"), qui l'a ensuite aidée à les élever. Dalia aussi s'est débrouillée en travaillant comme couturière de 5h du matin à 22h pour élever ses trois enfants car son mari est parti avec une autre femme, "et ils vont tous à l'université". Tere me confie que son gendre a fait vivre un enfer à sa fille, jusqu'à lui envoyer à elle un message pour lui dire qu'il allait la tuer. La police est intervenue à temps mais comme ils sont amis du type, ils l'ont laissé tranquille... Yulisa a dû faire arrêter son mari car, ivre mort, il les menaçait elle et ses filles, à la machette... Sans compter les innombrables tromperies des hommes qui travaillent à Mérida, mais que peuvent-elles faire, elles sont coincées au village avec les enfants à élever et la plupart subissent... Socorro en revanche, une belle Maya venue d'un tout petit village, a appris l'Espagnol et a trouvé un travail d'aide à domicile pour pouvoir se débarrasser d'un époux qu'elle aimait pourtant de tout son coeur, mais qui buvait... Une dame âgée m'explique aussi qu'elle a dû se remarier avec un homme beaucoup plus âgée qu'elle à la mort précoce de son mari car elle avait quatre enfants... Mais c'était un homme très bon et elle a fini par l'aimer et vénère son portrait posé sur l'autel de la maison, car, comme la majorité des femmes, qui épousent des hommes plus âgés, hashtag épousez des femmes de votre âge svp, elle est vouée à vivre un deuil que lui n'aura jamais eu à connaître.

 
Le "cristal" (drogue) et la bière font des ravages dans le village, et les femmes effraient leurs filles qui grandissent avec des contes inspirés des légendes du village, en leur racontant que des monstres se cachent dans le village, belle métaphore de la masculinité. Et les jeunes filles arrêtent de sortir et restent à la maison, comme Camila, à qui sa mère à raconté qu'on a vu un serpent ailé de cinquante mètres dans les ruines de l'Église, qui passe de petite fille pimpante et suractive à jeune adolescente terrée à la maison... Je pense qu'on passe aussi beaucoup de temps à effrayer les jeunes filles et toutes les femmes avec des récits et des faits divers sordides, au lieu de chercher des vraies solutions à la violence alfa-masculine. Et les femmes qui s'émancipent pour avancer librement sont celles qui ne craignent rien, ou bien dépensent beaucoup d'énergie à surmonter les peurs liées aux images d'horreur avec lesquelles on les bassine depuis l'enfance. L'espace public nocturne comme un nid de vautours, je pense que la société à mieux à offrir à ses citoyennes.

La détresse et la force de ces femmes me retourne et me pousse à faire de ma collection un manifeste anti-machisme. Les tissus récupérés chez une couturière de mariage seront donc une invitation à se marier avec soi-même, ou avec la forêt, refuge avec lequel les femmes du village entretiennent une relation particulière à travers la connaissance des plantes médicinales.

Bon, et une certaine dose d'obscurantisme, haha, quand Julia me dit que le mal de genoux disparaît en posant un crapaud dessus, je ne sais plus trop quoi penser haha. 

Pour finir, S. nous confie qu'elle a peur d'être enceinte, mais elle a peur d'aller faire un test, de peur des ragôts, car les pharmacies sont pleines de gens en quête d'histoires à répandre, et en plus elle n'est pas en couple. Pour avorter, il faut se rendre à Mexico, seul endroit où c'est autorisé (mais, au moment où j'écris ça, ça vient d'être autorisé dans tout le pays youhouuu !! ). Comme je ne suis que de passage, je lui propose d'aller en acheter un à sa place, imaginant déjà les prognostics furieux des villageois sur l'identité du père haha. Je suis en tous cas hallucinée par le manque d'informations et de moyens pour leur intimité et leur sécurité.

Je vous passe toutes les histoires sordides de violences,  de maltraitances et d'injustices, vous en seriez pour vos frais mais rien que d'y penser ça me déprime, et chaque récit me fout un coup terrible au moral qui me donne envie de prendre mes jambes à mon coup.

 


Finalement, après des semaines de doutes et d'incertitude, je récupère les vêtements... Dalia a bien travaillé et les couleurs éclatantes ainsi que les coupes sertissent les broderies comme des bijoux précieux. Enfin, on se met en route pour le photo-shoot, avec les jeunes gens du village qui ont accepté de poser. On transporte en moto-taxi la collection suspendue au toit pour aller aux parcelles cultivées et dans les milpas, car je veux la collection dans un écrin de plantes tropicales... Flora se met à l'oeuvre et la collection prend enfin sa forme définitive dans son décors naturel. Je sens un immense soulagement, les vêtements crient leurs couleurs entre les feuilles de palmiers, de bananiers et de "guano", et siéent merveilleusement aux teints d'ambre de nos modèles, dont les cheveux noirs tranchent avec les jaunes éclatant, les rose fluo, les vert émeraude... 

 


 
 
 
Pour le shooting de la robe de mariée, c'est moi qui pose dans une longue robe blanche sur une pierre dans un lac. J'ai l'air comme suspendue au-dessus de l'eau, et de l'autre côté du lac, on entend les enfants crier, "la Llorona", une sorte d'esprit de femme de la forêt, type "Dame Blanche", et leurs mères d'ajouter "elle ne bouge pas...". Je me rends compte que je risque de réalimenter la légende pour les décennies à venir, et je me dis que j'aurai au moins laissé mon empreinte ici!




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