Tiraillée entre plusieurs propositions, comme toujours, soit aller en avion dans une île avec Maria, une fille qui est à Rio comme moi depuis le Carnaval, rejoindre un groupe d'étrangers qui y a élu domicile depuis le confinement. En effet, là-bas, il n'y a pas de quarantaine et tout y est comme avant, rando et fiesta en perspective, mais je me dis, pour quoi faire? Encore traîner sans but à ressacer mes questions existentielles et dépenser toutes mes tunes? Soit prendre un vol pour le Sud pour travailler dans un haras du côté de Porto Alegre, la nana a l'air super sympa, mais le temps que je me décide, les billets sont super chers et puis je sais pas, je me sens pas encore prête pour y aller; soit me prendre un appart à Rio et attendre sagement que ça passe, avec en vue un isolement certain mais des balades possibles le long de la mer... Finalement j'opte pour un volontariat dans un bed and breackfast établit sur un terrain cultivé en permaculture, une micro forêt tropicale au milieu de paysages spectaculaires. Le type a une voix sympa et se donne du mal pour que j'arrive à bon port, à Visconde de Maua. Apparemment il y a d'autres volontaires, deux Argentins et une Hollandaise. Entrant par hasard en contact avec la Hollandaise, j'apprends qu'ils comptent partir bientôt pour Bahia en louant une voiture en mode road trip pendant 3 jours, direction une ferme de permaculture où bossent déja d'autres étrangers. Elle me propose de les accompagner, l'idée est tentante, mais bon aller si loin pour un truc qui ne m'intéresse pas vraiment, ça me dit moyen. Je règle donc les détails de mon voyage pour Visconde de Maua, une organisation un peu stressante pour passer les contrôles de police (seuls les résidents peuvent encore y aller) sans encombre jusqu'à ce coin reculé. Entre temps, j'apprends que Rio va décréter le confinement total dici 3 jours, alors je prends peur et me demande si je ne devrais pas aller directement au haras qui me fait tant envie... car je crains que d'ici quelques semaines on ne puisse plus du tout circuler, et d'être coincée dans le trou du cul du monde... Mais je ne sais pas pourquoi, j'ai quand même envie daller à Maua, j'imagine un coin de Nature pour me ressourcer et mettre les mains dans la terre. Comme si j'avais besoin de cette étape avant d'entrer au contact de la vitalité animale brute des chevaux, qui me fait un peu peur. Même si le type a l'air un peu relou au téléphone quand il me détaille par le menu la liste des trucs à leur ravitailler avec des précisions à s'arracher les cheveux, en particulier au sujet d'une épice nommée chimi churri, qu'il faut absolument prendre bio, sans poudre aditionelle, de telle taille et de telle couleur ect, qui laissent supposer qu'on a affaire à un grand maniaque (ce qui, l'étant moi-même, m'insupporte), même si je réalise au dernier moment que montagne = froid et que je vais sans doute me les peler grave, même si la principale raison qui faisait que je voulais y aller était la présence d'autres voyageurs que je ne vais finalement que croiser, même si le monde est contre moi avec son confinement psychotique, même si le type m'annonce que je devrai observer en arrivant une dizaine de jours d'isolement à l'arrivée car il ne veut prendre aucun risque sanitaire, et qu'il me servira donc mes repas séparément car je ne pourrai pas entrer dans la maison, et bien même si, même si, je ne sais pas mais j'ai pas envie de m'embarquer direct vers le Sud, j'ai envie de voir un peu le "vrai Brésil", m'immerger un peu dans la végétation luxuriante qui me fascine, avant de passer aux grandes plaines du Sud, plus proche de l'Argentine au niveau des paysages...
NDTR: au final, trop de pression sans doute, j'oublie le chimi churri dans le magasin...
NDTR: au final, trop de pression sans doute, j'oublie le chimi churri dans le magasin...
Donc voilà, en dépit du
bon sens, en dépit des "non" aveuglants comme des signaux
lumineux un lendemain de cuite, me voilà embarquant dans le covoit
laborieusement planifié depuis des jours. C'est nickel, on part de
juste à côté de chez mes hôtes, le mec est très attentionné et
s'est renseigné pour me déposer à l'endroit le plus stratégique
pour que je puisse ensuite prendre un uber pour Maua. Il parle
Anglais, le trajet se passe nickel, puis je monte dans la voiture
d'Anderson, un grand barbu au sourire de nounours, qui ne parle que
Portuguais et avec qui je balbutie mes premiers mots dans la langue
de la Bossa Nova, déchiffrant plus ce que je ne comprend ses
grognements qui font pourtant preuve de bonne volonté, mais bon au
final je capte à peu près tout, ce qui n'est peut-être guère son
cas, si j'en crois ses mouvements de tête légèrement paniqués dès
que j'ouvre la bouche. La route s'enfonce dans les montagnes et je
constate peu à peu l'étendue de ma bévue... les villages sont de
plus en plus minuscules et des petites maisons style chalets suisses
érigées sur les hauteurs me toisent d'un air moqueur malgré leur
ridicule... On passe devant quelques contrôles de police embusquée,
je retiens mon souffle, comme une héroine tentant de passer la ligne
de démarcation direction Sud lorsque ces chers Bosh nous menaient la
vie dure, serrant dans ma paume humide le justificatif de domicile de
mon hôte, espérant n'avoir à expliquer à aucun agent dans mon
Portugais lamentable que oui oui, biensûr, je vis ici. Au troisième
contrôle de police, je panique totalement, j'essaie d'expliquer à
mon chauffeur qu'il va falloir mytho un petit peu, mais il me calme
direct en me disant qu'il n'y a aucun problème, il fait un signe de
la main aux agents en passant avec un grand sourire, et ils ne nous
demandent même pas de nous arrêter. Ca passe comme une lettre à la
poste, le flegme brésilien coupant court à mon stress et à ma
névrose.
Finalement on arrive chez
Emiliano, et là aussi je suis un peu rassurée, j'avais peur de
tomber sur un monstre hirsute (je veux, dire, quel être civilisé
peut bien habiter là ??!), mais ça va, même si, côté fringues et
coiffure, on peut sûrement faire mieux: cheveux longs et
broussailleux enroulés pèle-mêle dans un bonnet en crochet type
relique de Bob Marley, vêtements horriblement assortis aux couleurs
indéfinissables tâchés de boue, de sève et de je ne sais quoi
(ouiiii je saiiiiiis, c'est la grand méchante bourge qui sort les
griffes, mais c'est bon, j'ai le droit hein, noubliez pas que je suis
en pleine brousse, cela octroie quelques privilèges!), un regard un
peu étrange cependant... Je ne distingue que ses yeux sous son
bonnet crasseux, car Monsieur a voulu faire les choses bien, du coup,
le gros tissu plié en quatre mille épaisseurs qu'il utilise en
guise masque lui cache tout le bas du visage. Très étonnant et
quelque peu mystérieux de faire connaissance dans ces conditions.
Quand peu après il l'enlève, je réalise que je suis tombée chez
un vrai de vrai: teint buriné, visage mal rasé avec une barbe de 3
jours ou plus, bonnet un peu de travers qui lui donne des airs de
rebelle cubain en pleine guerilla, yeux légèrement vitreux
laissant supposer une consommation quotidienne d'herbes peu
recommandables, et ce, au-delà du raisonnable... en forçant un peu
l'imagination, on pourrait presque lui donner un très léger air de
Che Guevarra (ça doit être le bonnet de travers), enfin, un Che
Guevarra avec dix ans de plus et les traits bouffis par un manque de
sommeil chronique ou un excès de boissons alcolisées, qui aurait
fini par se reconvertir dans le trafic de cocaine. J'imagine mon hôte
battant la jungle à coups de machette entre deux raids aériens,
embusqué sous des feuilles de bananiers et guettant une opportunité
pour faire une "sortie", mitraillette en main... le
personnage lui va comme un gant. Mon Dieu, mais où suis-je allée me
fourrer??
Tout de suite, il me
montre ma suite, je plaisante, ma petite cabane toute pleine
d'ouvertures où je vais me les peler grave, et un peu plus loin,
perdue dans les arbres et les mauvaises herbes, la cabine des
toilettes sèches. Toujours une légère crispation au moment où il
m'explique comment ça fonctionne (je veux dire, c'est difficile
d'aborder le sujet avec finesse, mais, et je dois avoir un problème,
mais c'est toujours un moment qui heurte ma sensibilité de princesse
née dans des draps brodés à mes initiales - je précise que je
viens d'inventer ce détail), bref, le mot "shit" heurte
mes oreilles quand il me précise la quantité de ciures de bois je
dois utiliser en fonction de ce que je "laisse" dans la
marmite (pardonnez-moi l'usage volontaire et provocant de ce terme
scandaleusement inaproprié à la situation).
Passés ces détails peu
savoureux, mon hôte me prépare gentiment une délicieuse boisson à
partir de sucre de canne et de citrons du jardin (pour la première
fois je retrouve mon sourire, le sucre a en effet toujours et bel et
bien un effet magique sur moi). Après, repas seule dans ma cuisine
attitrée, plat médiocre (on m'avait dit "cuisine
végétarienne", mais bon, c'est apparemment un joli terme pour
valoriser la cuisine dite "du pauvre", qui consiste au
Brésil en une bouillasse incolore de riz et de lentilles soupoudrée
de farine de manioc, hashtag miam miam hashtag arnaque). On ne va pas
se mentir, c'est pas folichon. Je croise un autre volontaire -
finalement ils sont encore là - qui me salue aimablement mais sans
plus de curiosité. Mon hôte me dit qu'il espère que je ne prends
pas tout ça trop personnellement, mais que voilà il fait vraiment
supra attention, avec le virus, donc si je peux éviter de caresser
les chats, car sa fille adore jouer avec eux... là ça me refroidit
pour de bon... il fait presque nuit, la lumière de ma cabane ne
marche pas, mon tel ne capte aucun signal, je galère à retrouver la
cabine de douche dans le noir et manque de me rompre la cheville et
trébuchant sur une branche avant de quasi m'étaler de tout mon long
dans la gadoue... Malgré tout, je suis ok, je vais me coucher relax,
je suis dans la nature, c'est ce que je voulais. Mais c'était sans
compter la nuit glaciale et les maigres couvertures dans lesquelles
je m'enroule lamentablement pour me protéger des courants d'air, qui
risquent d'avoir ma peau, bien plus que le coronavirus sans doute...
J'ai des cauchemars un peu horribles, je rêve que je vais passer ma
vie toute seule à regarder la mer, avec pour toute compagnie son
doux roulis, quelques crabes et une poignée de sable, bienvenue dans
la solitude du voyageur... Puis que j'ai une horrible douleur à la
gorge (ça fait quelques jours qu'elle est irritée et évidemment ça
m'angoisse par rapport au virus), et dans mon rêve, je hurle de
douleur, et je la ressens tellement en effet que je suis touté
hébétée de me porter comme un charme au réveil... Puis biensûr
l'insomnie car pas moyen j'ai trop froid...
Au matin pourtant, comme
d'habitude, un rayon de soleil et tout va mieux. Je petit-déjeune
d'un excellent pain maison et des fruits savoureux, un jus de sucre
de canne, de citron et de gingembre du jardin. Mon hôte, sans doute
un peu coupable de m'imposer une quarantaine si stricte, est aux
petits soins, et revient toutes les 5 minutes s'assurer que je ne
manque de rien. La journée passe tranquillement à désherber une
parcelle de plantes, faire le ménage dans la nature, que demander de
plus? Je dois ôter des troncs d'arbres les plantes grimpantes qui
s'enroulent autour deux et les étouffent, c'est hyper agréable
comme boulot de libérer les arbres... si seulement je pouvais faire
cela aussi facilement avec les pensées négatives qui m'empêchent
pafois de respirer!
Le lendemain, je
m'attelle à la céramique de la salle de bain. Emiliano me montre
comment on fait, tout en me disant qu'il aimerait qu'on écrive un
mot sur le mur, quand je demande lequel, il me répond "Love"...
lol! J'ai du mal à m'empêcher de rire à la pensée de cet ours
asocial (je pense que depuis le début du séjour le nombre de mots
qu'il m'a adressés s'élève à quatre, virgules comprises) écrivant
des mots d'amour sur les murs de sa salle de bain. Je lui dis en
rigolant que ca va être une douche très romantique, ce qui ne
l'émeut pas plus que ça. J'ai tout juste droit à un vague
grognement, que j'interprete comme une sorte de gloussement.
Puis, je fais un petit
tour un peu plus loin où je capte enfin internet (oui parce que
jusque là, impossible de me connecter à quoi que ce soit, ce qui
ajoutait à mon isolement), mais je dois rentrer de nuit les pieds
dans l'herbe qui héberge des animaux assez inhospitaliers comme des
serpents vénimeux et des araignées GIGANTESQUES également
vénimeuses...
Le soir je me "retire" dans mes "appartements", Emiliano frappe à la porte pour m'apporter un plat de pâtes bien chaudes (et bien molles... Damned, c'est le retour de la grande critique qui fait un caca nerveux si les pâtes ne sont pas al dente), car la pizza est loin d'être prête, donc pour me caler en attendant; puis, c'est Maxi qui passe me laisse un verre de cachaça locale, pour me réchauffer, je dois dire que ca fonctionne pas mal, et surtout, c'est très sympa et ça me réchauffe le coeur (comme dirait mon cher Brassens)! Et enfin Miguel passe me filer une fin de pétard, je me laisse tenter (en effet, il n'y a vraiment rien d'autre à faire dans ces contrées, et je cesse tout-à-coup de juger tous ces pauvres fermiers abêtis par la hashish), et du coup, je lui pardonne ses propos de l'après-midi, quand, m'ayant demandé sur quoi j'avais bossé ces derniers temps et que je lui parle de mon projet de broderie, me dit qu'il n'y aura sans doute pas beaucoup de clients avec la crise, et qu'il vaudrait sans doute mieux vendre des masques brodés. J'ai bien envie de lui dire que tout le monde n'est pas marchant de tapis et qu'on fait parfois les choses parce qu'elles nous habitent, et pas uniquement parce quelles vont rapporter une blinde. On est d'accord, on en reparle dans dix ans quand je n'aurai plus que mes chaussures à manger – petit clein d'oeil à Charlot et la ruée vers l'Or, pour les initiés.
Par contre, je ne peux pas pardonner sa copine hollandaise son horrible accent hollandais quand elle parle Espagnol, qui suffirait à lui-seul à me la faire positionner dans la catégorie des gens à FUIR. Déjà je ne capte quasi rien de ce qu'elle raconte, mais en plus, enfin je ne sais pas si vous avez déja entendu parler cette langue, mais Mon Dieu qui a bien pu l'inventer? Enfin, en partant du principe qu'il s'agit bien d'une langue??? Car vu de loin ca ressemble plutôt à une suite de sons monstreux, comme si on avait rassemblé à dessein les bruits les plus épouvantables de toutes les langues réunies, en plus des hurlements nocturnes de quelques animaux, dont la hyène, l'orang-outan et la grenouille. Non mais franchement je crois que si les Nazis avaient été Hollandais, ils auraient sûrement gagné la guerre, car rien que le son qui sort de leur bouche est une torture en soi... moi jaurais tout avoué en tous cas! Alors imaginez donc ce que ça donne quand ça se donne du mal pour parler Espagnol!! Je veux dire, une langue où il y a une musique quand même, où on roule un peu les "r" que Diable! Eh bien non, imaginez le bruit de votre tronsconneuse quand vous vous acharnez sur un morceau de ferraille rouillée, et vous aurez une idée à peu près exacte de ce que j'endure chaque jour quand elle m'adresse la parole... Pour couronner le tout, elle porte son pantalon rentré dans ses chaussettes... (j'apprendrai un peu plus tard à mes dépends qu'au lieu de me moquer, j'aurais bien dû faire pareil pour éviter de me retrouver avec les chevilles couvertes de piqûres de moustiques, de mouches, d'araignées et de monstres en tous genre... hashatg parisennealacampagne).
Le soir je me "retire" dans mes "appartements", Emiliano frappe à la porte pour m'apporter un plat de pâtes bien chaudes (et bien molles... Damned, c'est le retour de la grande critique qui fait un caca nerveux si les pâtes ne sont pas al dente), car la pizza est loin d'être prête, donc pour me caler en attendant; puis, c'est Maxi qui passe me laisse un verre de cachaça locale, pour me réchauffer, je dois dire que ca fonctionne pas mal, et surtout, c'est très sympa et ça me réchauffe le coeur (comme dirait mon cher Brassens)! Et enfin Miguel passe me filer une fin de pétard, je me laisse tenter (en effet, il n'y a vraiment rien d'autre à faire dans ces contrées, et je cesse tout-à-coup de juger tous ces pauvres fermiers abêtis par la hashish), et du coup, je lui pardonne ses propos de l'après-midi, quand, m'ayant demandé sur quoi j'avais bossé ces derniers temps et que je lui parle de mon projet de broderie, me dit qu'il n'y aura sans doute pas beaucoup de clients avec la crise, et qu'il vaudrait sans doute mieux vendre des masques brodés. J'ai bien envie de lui dire que tout le monde n'est pas marchant de tapis et qu'on fait parfois les choses parce qu'elles nous habitent, et pas uniquement parce quelles vont rapporter une blinde. On est d'accord, on en reparle dans dix ans quand je n'aurai plus que mes chaussures à manger – petit clein d'oeil à Charlot et la ruée vers l'Or, pour les initiés.
Par contre, je ne peux pas pardonner sa copine hollandaise son horrible accent hollandais quand elle parle Espagnol, qui suffirait à lui-seul à me la faire positionner dans la catégorie des gens à FUIR. Déjà je ne capte quasi rien de ce qu'elle raconte, mais en plus, enfin je ne sais pas si vous avez déja entendu parler cette langue, mais Mon Dieu qui a bien pu l'inventer? Enfin, en partant du principe qu'il s'agit bien d'une langue??? Car vu de loin ca ressemble plutôt à une suite de sons monstreux, comme si on avait rassemblé à dessein les bruits les plus épouvantables de toutes les langues réunies, en plus des hurlements nocturnes de quelques animaux, dont la hyène, l'orang-outan et la grenouille. Non mais franchement je crois que si les Nazis avaient été Hollandais, ils auraient sûrement gagné la guerre, car rien que le son qui sort de leur bouche est une torture en soi... moi jaurais tout avoué en tous cas! Alors imaginez donc ce que ça donne quand ça se donne du mal pour parler Espagnol!! Je veux dire, une langue où il y a une musique quand même, où on roule un peu les "r" que Diable! Eh bien non, imaginez le bruit de votre tronsconneuse quand vous vous acharnez sur un morceau de ferraille rouillée, et vous aurez une idée à peu près exacte de ce que j'endure chaque jour quand elle m'adresse la parole... Pour couronner le tout, elle porte son pantalon rentré dans ses chaussettes... (j'apprendrai un peu plus tard à mes dépends qu'au lieu de me moquer, j'aurais bien dû faire pareil pour éviter de me retrouver avec les chevilles couvertes de piqûres de moustiques, de mouches, d'araignées et de monstres en tous genre... hashatg parisennealacampagne).
PS: depuis le temps que
j'attendais une occasion de déverser mon fiel sur cette langue, ne
vous étonnez pas de cette réaction légèrement excessive. Soit dit
en passant, je rejoins de tout coeur les Wallons qui refusent
d'apprendre cette langue (encore plus monstrueuse en Belgique qu'en
Hollande je crois).
Bref, je passe beaucoup
de temps en compagnie de Warda et de Fairuz, seules playlists
contenues dans mon téléphone, et leurs trémolos orientaux
résonnent dans la jungle comme des notes étranges et exotiques...
Evidemment, une fois n'est pas coutume, dès que la nuit tombe, je me
maudis de toujours faire des choix idiots. Certes, les autres
volontaires sont encore là mais comme je ne partage pas leurs repas,
on ne s'est quasi pas parlé. Puis l'ambiance un peu bizarre que je
ressentais s'explique, Miguel me confie qu'Emiliano est super chiant
et psychorigide, qu'il faut tout faire exactement comme il dit, et
qu'il ne parle de rien d'autre que du coronavirus, quand ce n'est pas
boulot. Qu'ils sont là depuis deux mois et qu'ils n'en peuvent plus
de ce bled, mais qu'ils ne trouvent pas d'autre endroit où aller,
personne ne veut d'étrangers ni de personne en ce moment... Et puis
c'est vrai que la parcelle d'Emiliano est minuscule... De mon côté,
isolée dans une cabane au milieu des fougères avec des plats
laissés devant la porte, j'éprouve une sensation ambivalente: celle
de me trouver tour à tour dans Robinson Crusoé ou en otage
chez les Farc...
Malgré tout cela,
immergée comme je le suis dans la Nature, je découvre le plaisir de
dessiner les arbres et les fleurs. Les plantes sont elles aussi des
sujets vivants dont les couleurs et la délicatesse forcent le
respect, et je réalise que comme les personnes, leurs vêtements de
pétales et de feuilles sont autant de détails qui surprennent la
rétine et ravissent l'oeil. Grâce à mon séjour chez Dominique qui
m'a fait partager sa vision et son amour de la Nature brésilienne,
j'ouvre les yeux et découvre avec émerveillement la complexité et
la justesse des formes de la Nature. Comme si, comme les gens, il
suffisait de la regarder avec sensibilité pour qu'en surgissent les
attraits et les détours. Je m'attache à chaque ondulation de leurs
tiges, chaque nervure est l'occasion de saisir un contour nouveau,
léger et suave qui adoucit mon trait, l'emmène ailleurs, dans un
monde qu'il avait jusque là ignoré. J'aime tant dessiner ces
nouveaux habitants que je propose à Emiliano de répertorier en
peinture les plantes de son jardin, pour imiter ces explorateurs
d'antan que j'admire tant. Je pense que ce sera ravissant accroché
au mur des cabanes en bois pour initier les visiteurs aux merveilles
que recèle la Nature et à leurs propriétés.
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