mercredi 30 août 2023

Yaxcabà, Mexique


Bon, que dire de cette nouvelle expérience de voyage au Mexique? Pour commencer, le pire... J'arrive à Cancùn, je retrouve mon amie Flora qui m'attend dans une famille. Premier jour pour aller à la plage, je manque de m'évanouir dans le bus bondé et irrespirable... À demi-morte, par terre la tête dans mes bras en attendant le prochain arrêt (le chauffeur a refusé de me laisser sortir), je prends conscience que du vent me chatouille le visage et me ramène à la vie. En levant la tête, j'aperçois des éventails qui me font de l'air silencieusement, dans les mains discrètes de femmes compatissantes, mais qui, pudiques, ne me lancent pas un regard...

 

On arrive au village. Déjà inquiète au sujet de la dengue qui, je l'apprends juste avant de m'envoler, sévit dans tout le Mexique tropical, j'ai la confirmation en arrivant que les moustiques du village sont porteurs... De plus, on a la chance d'avoir une petite piscine dans la maison, mais je sens bien que c'est la pire des idées car, mal entretenue, (et ce sera le cas), c'est l'endroit rêvé pour les oeufs... Sans compter les "basura", ordures laissées un peu partout dans le jardin... Ni une ni deux, Flora développe une bonne fièvre et une forte migraine qui m'inquiètent. Nous allons au "centre de santé" du village et on nous confirme que ça ne peut qu'être ça, même s'ils n'ont même pas le matériel pour faire une prise de sang! Ahlala et apparemment les variants sont les numéro 1 et 3, et moi dans mes souvenirs, j'avais plutôt contracté le 2, celui qui donne la forme hémorragique et dont j'avais fait les frais seule en Thaïlande, donc je ne suis pas du tout immunisée, au contraire, j'ai beaucoup plus de chances de développer une forme grave, et nous somme à 2h de route de la ville la plus proche! Évidemment, il n'y a pas d'ambulance au village... J'imbibe mes vêtements d'anti-moustiques tous les matins, ma peau aussi, mais je me fais quand même piquer, sans compter que la moustiquaire que j'utilise la nuit ne me protège pas car les moustiques porteurs piquent le jour... L'horreur! Avec Flora dans son hamac un jour sur deux selon la température qui monte et qui descend (typique de la dengue), aucune compagnie extérieure, le moral n'est pas au beau fixe... Finalement, elle guérit, mais cette fois c'est moi qui me sens super mal. estomac en compote et fatigue extrême, intoxication alimentaire! Je suis si faible que je passe plusieurs journées à même le sol sur un tapis de yoga, car le confort est plus que rudimentaire dans la maison. Après une première semaine épuisante à équiper la maison qui ne contient que deux chaises, une semaine d'aller retours épuisants sous le cagnard et 38 degrés pour aller chercher une poêle chez un tel, un couteau chez une telle et j'en passe, c'est le coup de grâce.

 

ne vous fiez pasaux apparences, cette fille a l'air en pleine santé maisest enréalité en pleine convalescence!
Ne vous fiez pas aux apparences, cette fille apparemment en pleine santé, sort tout juste d'une convalescence passée dans un hamac, et sourit bravement à la caméra...
 
Tenue de danse "Jalana" de garçon, composée d'une chemise "guayabera", importée de Cuba et portée par les hommes yucatèques, qui m'a inspirée pour me vêtir dignement et avoir l'air classe même par 45 degrés...





 

Petit retour sur l'arrivée dans les lieux: une maison cube en ciment sans charme qui a l'avantage inestimable d'être propre, en bon état, avec une vraie salle de bain et avec la clim. J'entre prendre une douche en arrivant de voyage et je hurle! Deux énormes cafards ont élu domicile sous la cuvette. La fois suivante c'est une grenouille qui m'accueille avec des croassements et des bonds gigantesques, et enfin une méga araignée... C'en est trop! Je comprends que je ne suis définitivement pas faite pour le voyage. Chaque geste est une épreuve. Dans la rue, on passe des heures sous le cagnard à saluer tous les gens que Flora connaît et n'a pas vu depuis son retour après un mois. Je ne me retrouve pas dans les conversations chez les familles, ça parle de récoltes, de maïs, et d'esprits, et franchement, je me sens très loin de chez moi. Les plats en sauce au cochon fraichement tué m'écoeurent, les animaux odorants dans les jardins jonchés de détritus me répugnent. Les chiens nous aboient dessus à chaque passage, et je vis un cauchemar éveillé la nuit où j'aide Flora à déplacer son châssis à ourdir (un grand rectangle en bois de deux mètres sur deux monté sur pieds). En effet, les chiens déchaînés, déjà très agressifs de nuit, nous prennent pour une sorte de bête encore plus monstrueuse qu'eux, et nous marchons sous les grognements, assauts, aboiements hystériques et crocs à vif pendant une longue demie heure, tout en tentant de garder le contrôle sur notre terreur pour éviter qu'ils ne la sentent, tout ceci dans le noir complet! Mon sang-froid est mis à rude épreuve et je comprends en arrivant que j'ai tout donné, que je suis sous le choc et traumatisée. C'est bien la dernière fois que je sors de nuit, une nouvelle perspective réjouissante. De plus, le sol en ciment brut de notre maison me fout le cafard...

 

 

Puis, c'est la recherche de couturière et de brodeuses qui commence. Mais personne n'est trop libre, tout le monde me dit que deux mois c'est trop peu, que les femmes sont occupées jusqu'au 12 août au moins (vu les circonstances, j'espérais VRAIMENT partir avant)! Je désespère... En plus, comme je suis complètement paniquée et dépaysée et que j'ai pris l'habitude de suivre Flora, chose tentante mais trompeusement rassurante car accentue en même temps mon sentiment de vulnérabilité, je ne me sens vraiment pas autonome et nulle.

Je retrouve mon sentiment d'impostrice en voyage, j'ai le mal du pays, ne sais pas quoi manger, me lasse d'un tête à tête maladif né de la force des choses... Les broderies du village ne m'inspirent pas, je me demande pourquoi je suis là, pour faire une collection qui aura à peine 30 vues sur instagram, ça me renvoie à mes inquiétudes sur un succès commercial plus que modeste, malgré l'épanouissement né de la réalisation des projets qui me trottent dans la tête, j'ai peur de m'épuiser un jour et de ne plus en pouvoir. Et alors je ferai quoi? Et avec ça les années auront passé et je me retrouverai vieille fille et j'adopterai un chat, locataire à vie d'une maison insalubre, sans retraite et artiste déchue (hashtag Caliméro)... Et tout ça au lieu de profiter d'un bel été en France à errer sur des routes sécurisées, propres et entretenues (contrairement aux sentiers à peine défrichés d'ici, plein de serpents venimeux et de tarentules, quand il ne s'agit pas de sacs plastiques abandonnés un peu partout...). Tout me pèse, j'ai envie de fuir mais je n'en ai pas le courage...

Finalement, grâce à un ami de Flora, je rencontre deux brodeuses, mon affaire avance un peu... De même, je tombe par hasard sur une charmante femme qui fait de la confection et qui semble très motivée par mon projet. Enfin, je rencontre mon futur "maître", un monsieur qui fabrique des hamacs et qui est d'accord pour m'enseigner la technique afin que j'en fasse un top et une jupe (mais je dois me débrouiller pour l'adapter, car, dit-il, la technique n'est pas du tout adaptée et lui il fait les hamacs, point). Pour cela, je dois faire fabriquer un "bastidor", châssis, sur mesure. Je prends rdv avec le menuisier du coin, et je suis encore bonne pour un délai d'une semaine. Mais je me lance, je dessine les modèles, les broderies, je vais passer deux journées à Mérida pour écumer toutes les merceries de la ville et trouver boutons, zips, bords côtes, doublures, fils à broder, à ourdir... et de l'eye-liner (par cette chaleur, mon crayon fond dans ma peau et me laisse des cernes de panda!)!

Mon sex-appeal au plus bas, je tente d'avoir confiance dans les modèles de vêtements et de broderies que je lance au petit bonheur la chance, avec les doutes habituels sur tout, est-ce que ce sera la bonne coupe, ce n'est pas très original, il faudrait que ce soit plus spectaculaire mais en même temps j'aime les vêtements qui se portent, est-ce qu'on a pas déjà vu ça dix fois, et j'en passe.

 





 
 
 
De retour au village, j'ai envie de me pendre, moi qui pensais écumer les bars à salsa, mener la belle vie et siroter des bons petits cafés dans des endroits gentrifiés (hashtag boboqu'onnerefaitpas), j'ai l'impression de passer à côté de mon été. Je pense que c'est le moment de fuir mais en même temps j'ai déjà lancé tous les modèles. Je suis prise entre deux feux: tout abandonner pour préserver ma santé mentale, ou tenir le coup encore deux semaines pour aboutir mon projet. Je pense aux chercheurs d'or qui descendent à la mine pour faire fortune et ne peuvent plus lâcher ce travail dangereux et ingrat en attendant d'au moins ramener une pépite, à cause de tous les sacrifices qu'ils ont déjà fait...

Mais heureusement, les cours d'ourdissage commencent, et mon coeur bascule. Je me prends de passion pour cette pratique lente qui fait travailler mes mains. Plongée dans les couleurs que j'ai choisies comme une peintre, je manipule les fils pour trouver les harmonies et j'ai l'impression de fabriquer une peinture abstraite avec mes doigts... C'est super agréable et primitif, je me sens merveilleusement bien. Mon maître a une présence très apaisante, il me dit que j'apprends vite et bougonne tout autant quand je perds le fil et me trompe de ligne, de point, de noeud, au gré de mon esprit qui s'égare au fil de mes pensées. Ses petites filles piaillent de tous les côtés, elles sont adorables et je baigne dans une ambiance familiale qui me rassure sans me peser.

 



 Avant... 
 
 
Après !
  
 
 
Je m'épuise pour autant, car tous les matins, je rends visite aux brodeuses dans trois maisons différentes pour chercher les broderies qu'elles ne finissent jamais, et mes allers et venues en vélo sous la chaleur oppressante me donnent d'immenses suées. Je vois le temps qui passe et je me mets la pression, je leur mets la pression, je vais aussi tous les jours chez la couturière lui remettre tel ou tel tissu terminé pour qu'elle puisse avancer. Les femmes me répondent de tranquilles et inlassables "mañana", "demain", qui me lassent véritablement! Je ne sais pas si elles me font tourner en bourrique et si je dois m'énerver, ou si je dois lâcher car je suis juste une européenne sous pression et que c'est comme ça ici, du coup je suis dans un entre deux, je trépigne mais je ne dis rien de désagréable, sauf une fois où je demande une date une bonne fois pour toutes car "je ne vais pas repasser dix fois" (ça y est, elle a craqué, et malheureusement pour elle, son Espagnol s'est suffisamment amélioré pour que ça sorte vraiment tout seul naturellement humhum). Ça laisse un petit froid mais du coup ça avance... En plus elles abîment les toiles que j'ai apportées de Paris! Il y a des tâches de tortillas, alors je revois le dessin pour les cacher avec la broderie! Je lâche beaucoup prise...

 



Entre temps, je donne un atelier dans une communauté de brodeuses dans un minuscule village. Les femmes sont très curieuses et ont envie d'apprendre, quoi que ce soit, me disent-elles. Ici et au village, je suis "la maestra", du moment que je ne suis pas d'ici, je suis la maestra, car c'est sans doute la seule raison qu'elles trouvent à ce que je vienne dans le coin. Je tente d'expliquer l'idée de profondeur visuelle dans les broderies. Je sens que je les perds et en plus elles parlent entre elles en Maya et d'un coup l'une d'entre elles me demande en Espagnol si mes cheveux sont naturels. Je dis oui et alors elles veulent toutes toucher et tirent délicatement sur mes boucles. "Mais comment tu te peignes alors?", lance la plus intrépide. Je réponds que je ne me peigne pas, je me lève comme ça le matin. Je sens que ça les choque, mais elles rigolent et c'est sympa, c'est plus une conversation entre femmes du coup. La médiatrice leur explique que "la nature est bien faite, car voyez, elle avec son tout petit visage ça lui va bien ces gros cheveux, mais imaginez-nous avec nos grosses têtes si en plus on avait des gros cheveux!".

C'est un peu impressionnant et solennel car je dois aussi leur expliquer mon projet en Espagnol pour voir si ça les dit, et un interprète est là pour traduire en Maya... Finalement elles sont toutes d'accord et ça les fait rire mon histoire de jaguar/femme libre. 

 

 

 

 On me parle d'un village où les femmes indigènes, réduites en esclavage, devaient produire des toiles "manta" en coton de qualité pour les Espagnols, et contraintes de porter des toiles rustiques et si fines qu'elles les couvraient à peine, ce qui les a poussées à entièrement les ornementer de broderies épaisses aux motifs gigantesques pour se couvrir. Ça m'émeut beaucoup, et c'est pour ça que dans ce village seulement les motifs recouvrent presque tout le "hipil", alors que dans tout le Yucatàn, les broderies décorent l'encolure et le bas du vêtement.

 

 


Petite balade dans la forêt. Au détour d'une milpa (champs de maïs), j'aperçois une surface en béton et Flora me dit qu'il y avait là un grand poulailler avant mais qu'un jaguar les mangeait... Même si je sais que les félins sortent principalement de nuit, je me sens de plus en plus stressée à l'idée qu'il y en ait un qui rôde et nous bondisse dessus. Je frémis à chaque craquement de feuille. Quand je partage mon inquiétude à Flora en pensant qu'elle va me dire que je me fais du souci pour rien, elle me répond innocemment: "c'est vrai que c'est pour ça que j'aurais préféré qu'on emporte une machette", hum hum!!! Bon, nous apprendrons plus tard que les jaguars de la région sont en fait très petits et ressemblent plutôt à des ocelots.

Mais une autre fois, accompagnées par Manuel, un monsieur qui a tout appris de son grand-père, je me sens beaucoup plus rassurée et il nous explique tous ses secrets. Il a divisé son terrain en deux et en laisse un se reposer pendant qu'il cultive l'autre, pour éviter d'étendre son terrain à l'infinie en "prenant sur la forêt". Il laisse certains arbres à fleurs qui ne lui apportent pas de fruits, pero bueno, a las aves les gustan, "mais les hirondelles les aiment", il accroche des tissus imbibés de sa sueur pour effrayer les blaireaux qui saccagent toutes ses plantations, mais il n'aime pas les tuer, alors il a trouvé cette idée... Ici la plante qui guérit la diarée, celle contre les coliques, celles qui est rouge à l'intérieur et qui stoppe les hémorragies, celle qui draine le sang et les calculs, celle pour les douleurs à l'oreille. Il ne désherbe pas tous les arbres qui ne lui servent pas pour la culture, car ils font de l'ombre aux petits "frijols" (haricots noirs) naissants, et à lui aussi quand il prend une pause. Il casse la tige des maïs une fois hauts pour abriter les grains de la pluie et qu'ils sèchent avec le temps pour faire de la farine, et aussi pour les dérober au regard des oiseaux qui les repèrent de haut. Il aimerait passer toute sa vie ici et construire une petite cabane. Beaucoup d'hommes nous confient qu'ils aimeraient vivre "al monte", dans la forêt, pour être tranquilles et loin du bruit, mais "a ellas no les gustan", elles, elles ne veulent pas, disent-ils en parlant de leurs épouses.

 





 
Toutes les femmes que je rencontre me demandent évidemment si je suis mariée, et quand je leur réponds que non, elles me disent que c'est mieux, car les hommes "nos engañan, nos dejan, toman" ("nous trompent, nous quittent, boivent"). Je me demande si elles me disent ça par empathie pour mon cas qui semble désespéré pour que je me sente mieux, ou bien si c'est vraiment ce qu'elles pensent... En même temps, plusieurs tristes exemples viennent illustrer leurs propos et me fendent le coeur. On ne compte plus le nombre d'hommes qui ont quitté leur épouse enceinte. Une vieille dame me confie qu'elle a accouché seule de son quatrième enfant. C'est sa "pobre mamà" ("pauvre mère"), qui l'a ensuite aidée à les élever. Dalia aussi s'est débrouillée en travaillant comme couturière de 5h du matin à 22h pour élever ses trois enfants car son mari est parti avec une autre femme, "et ils vont tous à l'université". Tere me confie que son gendre a fait vivre un enfer à sa fille, jusqu'à lui envoyer à elle un message pour lui dire qu'il allait la tuer. La police est intervenue à temps mais comme ils sont amis du type, ils l'ont laissé tranquille... Yulisa a dû faire arrêter son mari car, ivre mort, il les menaçait elle et ses filles, à la machette... Sans compter les innombrables tromperies des hommes qui travaillent à Mérida, mais que peuvent-elles faire, elles sont coincées au village avec les enfants à élever et la plupart subissent... Socorro en revanche, une belle Maya venue d'un tout petit village, a appris l'Espagnol et a trouvé un travail d'aide à domicile pour pouvoir se débarrasser d'un époux qu'elle aimait pourtant de tout son coeur, mais qui buvait... Une dame âgée m'explique aussi qu'elle a dû se remarier avec un homme beaucoup plus âgée qu'elle à la mort précoce de son mari car elle avait quatre enfants... Mais c'était un homme très bon et elle a fini par l'aimer et vénère son portrait posé sur l'autel de la maison, car, comme la majorité des femmes, qui épousent des hommes plus âgés, hashtag épousez des femmes de votre âge svp, elle est vouée à vivre un deuil que lui n'aura jamais eu à connaître.

 
Le "cristal" (drogue) et la bière font des ravages dans le village, et les femmes effraient leurs filles qui grandissent avec des contes inspirés des légendes du village, en leur racontant que des monstres se cachent dans le village, belle métaphore de la masculinité. Et les jeunes filles arrêtent de sortir et restent à la maison, comme Camila, à qui sa mère à raconté qu'on a vu un serpent ailé de cinquante mètres dans les ruines de l'Église, qui passe de petite fille pimpante et suractive à jeune adolescente terrée à la maison... Je pense qu'on passe aussi beaucoup de temps à effrayer les jeunes filles et toutes les femmes avec des récits et des faits divers sordides, au lieu de chercher des vraies solutions à la violence alfa-masculine. Et les femmes qui s'émancipent pour avancer librement sont celles qui ne craignent rien, ou bien dépensent beaucoup d'énergie à surmonter les peurs liées aux images d'horreur avec lesquelles on les bassine depuis l'enfance. L'espace public nocturne comme un nid de vautours, je pense que la société à mieux à offrir à ses citoyennes.

La détresse et la force de ces femmes me retourne et me pousse à faire de ma collection un manifeste anti-machisme. Les tissus récupérés chez une couturière de mariage seront donc une invitation à se marier avec soi-même, ou avec la forêt, refuge avec lequel les femmes du village entretiennent une relation particulière à travers la connaissance des plantes médicinales.

Bon, et une certaine dose d'obscurantisme, haha, quand Julia me dit que le mal de genoux disparaît en posant un crapaud dessus, je ne sais plus trop quoi penser haha. 

Pour finir, S. nous confie qu'elle a peur d'être enceinte, mais elle a peur d'aller faire un test, de peur des ragôts, car les pharmacies sont pleines de gens en quête d'histoires à répandre, et en plus elle n'est pas en couple. Pour avorter, il faut se rendre à Mexico, seul endroit où c'est autorisé (mais, au moment où j'écris ça, ça vient d'être autorisé dans tout le pays youhouuu !! ). Comme je ne suis que de passage, je lui propose d'aller en acheter un à sa place, imaginant déjà les prognostics furieux des villageois sur l'identité du père haha. Je suis en tous cas hallucinée par le manque d'informations et de moyens pour leur intimité et leur sécurité.

Je vous passe toutes les histoires sordides de violences,  de maltraitances et d'injustices, vous en seriez pour vos frais mais rien que d'y penser ça me déprime, et chaque récit me fout un coup terrible au moral qui me donne envie de prendre mes jambes à mon coup.

 


Finalement, après des semaines de doutes et d'incertitude, je récupère les vêtements... Dalia a bien travaillé et les couleurs éclatantes ainsi que les coupes sertissent les broderies comme des bijoux précieux. Enfin, on se met en route pour le photo-shoot, avec les jeunes gens du village qui ont accepté de poser. On transporte en moto-taxi la collection suspendue au toit pour aller aux parcelles cultivées et dans les milpas, car je veux la collection dans un écrin de plantes tropicales... Flora se met à l'oeuvre et la collection prend enfin sa forme définitive dans son décors naturel. Je sens un immense soulagement, les vêtements crient leurs couleurs entre les feuilles de palmiers, de bananiers et de "guano", et siéent merveilleusement aux teints d'ambre de nos modèles, dont les cheveux noirs tranchent avec les jaunes éclatant, les rose fluo, les vert émeraude... 

 


 
 
 
Pour le shooting de la robe de mariée, c'est moi qui pose dans une longue robe blanche sur une pierre dans un lac. J'ai l'air comme suspendue au-dessus de l'eau, et de l'autre côté du lac, on entend les enfants crier, "la Llorona", une sorte d'esprit de femme de la forêt, type "Dame Blanche", et leurs mères d'ajouter "elle ne bouge pas...". Je me rends compte que je risque de réalimenter la légende pour les décennies à venir, et je me dis que j'aurai au moins laissé mon empreinte ici!




mercredi 8 mars 2023

Hassan le tisserand


Hassan le tisserand.

Lundi matin, je me rends chez Hassan le tisserand, accompagnée par Rajae qui a organisé la visite. Hassan est un artisan du beau. Quand Hassan travaille, son métier à tisser se mue en un piano gigantesque où chaque corde vibre au mouvement de ses doigts. Un monstre magique qu'un archer virtuose taquine pour concrétiser une vision, une obsession, une impulsion. Son atelier est une antre où le tisserand fusionne avec son instrument pour créer une partition sans mesures dont les couleurs éclatantes transfigurent le tissage pour devenir une oeuvre à part entière.

Hassan nous présente une merveilleuse ceinture traditionnelle. Son inspiration pour créer le  motif lui est venue après la visite du jardin d'une amie, un Eden où s'épanouissent les fleurs les plus délicates, où les oiseaux les plus gracieux virevoltent dans de petites allées arabo andalouses harmonieusement disposées autour d'une fontaine aux céramiques éclatantes. Plonger son regard dans ce tissu, c'est entendre soudain l'éclat de l'eau et le chant des oiseaux. C'est laisser son esprit voguer au rythme d'une balade, chaque ligne sinueuse évoquant une promenade poétique au sein des roses.

Hassan et Isabelle, son épouse et collaboratrice, nous donnent d'amples détails sur l'aspect historique et technique du brocart. À un moment, Rajae demande "Qu'est ce que cela te fait de tisser, est-ce un plaisir, est-ce un casse-tête? Quel est ton ressenti?"... À ces mots on bascule tout à coup dans une autre dimension, quelque part du côté du sensible, de l'émotif, de l'essentiel. La question transperce Hassan tandis que sa voix se brise. "Ce n'est même pas un plaisir, c'est... chaque fil vibre dans ma main, je connais chacun d'entre eux et je sens ce qu'ils demandent, et je rééquilibre, j'intéragis avec eux, nous sommes un, et tout cela est vivant... ce n'est pas un métier, c'est une vie, on travaille avec ses mains, avec son coeur, avec son âme, avec tout son être".
 
Hassan évoque tous les obstacles dressés contre lui et qu'il a traversés, envers et contre tout, pour préserver la pureté de sa pratique. Intègre dans un monde où l'artiste et l'artisan, assujettis à la figure de l'entrepreneur, se battent pour faire entendre leur voix. Une voix intérieure qui s'élève contre toutes les autres. Celles du confort, de la sécurité, de l'argent, autant de prisons nécessaires. Hassan, dans sa recherche d'infini, sa quête d'absolu, incarne la force de s'élever contre les injonctions et les sous-entendus sociétaux, pour parvenir à exprimer ce qu'il a de plus précieux, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus profond. Se saisir du tangible. 
 
Hassan a longtemps essayé de se conformer aux exigences de rendement. Mais l'urgence d'exprimer ce qu'il porte en lui finit toujours par rattraper l'artiste qui se refusait à lui-même. C'est pourquoi, mu par une force invincible et vacillante à la fois, il avance dans le noir à la seule lueur de sa volonté.
 
De la même manière, Hassan nous confie qu'il faut une confiance absolue dans son intuition créative pour la suivre jusqu'au bout sans la juger. Lui donner une chance d'exister. Tenir bon, refuser de se confronter à sa création avant qu'elle ne soit complètement terminée, ne pas laisser place au doute qui s'insinue dans un travail qu'on évalue sans cesse. Car la voir en cours, ce serait la fragmenter en mille morceaux et de fait l'empêcher de naître.
 
Un jour, Hassan reçoit une commande pour la reine. Une styliste a imaginé un vêtement en volume pour son tissu. Hassan conçoit un motif inspiré des moucharabieh, qui laisse imaginer derrière, en profondeur, les coulisses d'un intérieur dérobé. Le regard plonge dans le tissu comme absorbé, aspiré par l'étoffe... La composition de Hassan est si puissante qu'une fois présentée à la styliste, celle-ci reste interdite et abandonne tous ses plans compliqués de patronage pour laisser la place au motif.
Je crois que cette styliste a compris une chose: quand le tissu parle, il n'y a plus rien dire.
 

mercredi 12 août 2020

La vie de bonhomme, le vie de sauvageonne.

La vie de sauvageonne.

J'aime me lever le matin et juste enfiler un short, mes tongs, un débardeur, me passer le visage à l'eau fraîche, et je suis prête. Un bon petit déjeuner, assez riche pour me durer jusqu'à assez tard, comme ça on n'est pas pressé de cuisiner pour le midi, passer la journée à huiler le bois avec l'application d'un enfant de 5 ans qui veut faire plaisir à sa maîtresse ( je précise que mon boss est un grand maniaque, mais il m'a donné le goût du travail bien fait, et c'est très satisfaisant). Et puis une bonne douche, et dodo.


Alors oui je vis avec un grincheux maniaque qui me manifeste un intérêt comparable à celui qu'éprouve le poulpe pour un bout de verre poli, et non je ne suis pas tombée sur la coloc idéale de jeunes trentenaires bobo en reconversion qui veulent refaire le monde en cultivant des légumes bio après des années de management dans une start-up innovante et une école de commerce bien côtée. Pas de conversation intéressante à imaginer une société nouvelle, pas de joyeux travail en équipe, je bêche toute seule dans mon coin toute la journée pendant que monsieur fume bédo sur bédo sur son canapé quand il n'est pas en train d'en rouler, pour venir chipoter en fin de journée sur les quelques tâches de peinture qui ont échappé à ma vigilance (je précise qu'on compte la circonférence des dites tâches en millimètres), et si c'est un bon jour j'aurai sûrement droit à un vague hochement de tête que j'imaginerai approbateur, et le soir au souper si j'ai droit à un mot ou deux je pourrai m'estimer heureuse.

Alors oui je n'ai pas fait les rencontres "idéales", d'autres volontaires type baba-cool sympathiques et souriants avec qui on aurait eu des conversations enflammées et qui auraient été mes meilleurs amis jusqu'à la fin de ma vie, non, je suis tombée sur des volontaires arrogants à la limite du désagréable qui n'ont jamais cherché à comprendre qui j'étais... Peut-être qu'à force d'être super solo tout le temps, je ne sais plus trop me connecter à qui que ce soit,  à part  à moi-même haha, quand j'ai la chance que ça m'arrive. Alors même si je suis déprimée un jour sur deux parce que j'en peux pluuuuuuuuuuuus de parler à personne et d'être confinée depuis quaaaaaaaaaaaatre mois, dont plus de deux sur un terrain d'à peine mille trois cents m2 (ce qui paraît beaucoup écrit comme ça mais c'est petit en fait), eh bien cette vie vraiment bizarre et étrange m'a tant appris! Dans sa petitesse, dans son étroitesse, dans son exiguïté, dans son intimité sociale, j'ai fait mon nid, j'ai trouvé une position confortable pour dormir et pour vivre, comme si dans le petit l'être se déployait à sa vraie mesure, comme si entre les arbres étouffants, il retrouvait enfin son souffle.

 Le soir, quand mes deux acolytes brésiliens conversent entre eux et que je ne comprends rien (mon niveau de Portugais est toujours aussi lamentable, bon en plus je les soupçonne de ne pas parler de manière très littéraire), je me sens comme une sorte d'animal de compagnie, un gros chat qui reste bien au chaud sur un coin de canapé à vaquer à ses occupations de chat, type toilette, bâillement etc (pour ma part, broderie, écriture, peinture), tout en dressant vaguement l'oreille quand il reconnaît un mot (en particulier son nom :p). Je précise que, dans ces conditions, mon élocution s'appauvrit de jour en jour et je me demande même si je vais réussir à tenir un discours cohérent (si ca m'est jamais arrivé) quand je serai revenue à la "civilisation". D'un côté je crois que j'aime bien le côté "badass", ces deux types bien dans leur jus qui se font des blagues plus ou moins grossières, en écoutant de la musique bien locale et en dévorant une bouillasse bien typique aussi. Je vis mon film on va dire.


 

J'aime la vie de sauvageonne, celle qui vit avec deux vêtements sur le dos et qui passe dix minutes tout au plus le soir et le matin dans la salle de bain. Celle qui ne se demande pas trop comment elle va s'habiller aujourd'hui, non plus ce qu'elle va faire, pas plus que ce qu'elle va manger, et surtout ce qu'elle va devenir (bon ça c'est pas tout-à-fait exact). J'ai l'impression d'être (enfin) revenue à l'état d'animal, comme si c'était, en fait, la meilleure option pour un être humain.

J'ai l'impression de m'abandonner à la vie, dans un monde sans complication, sans papiers et sans administration, où je ne suis à la charge de personne et surtout pas à la mienne (ô joie et soulagement)... Un monde tranquille où le deal est simple: tu bosses 5 heures, et le reste tu t'en occupes pas, un monde basé sur un échange très clair qui annule beaucoup d'emmerdes...

Légende de la photo: Drôle de palmier... Vous remarquerez que cette charmante illuminée semble être confrontée à un grave problème identitaire... En effet, elle ne sait plus si elle est un arbre ou un être humain (ou un chat d'ailleurs...)...
 

Est-ce qu'il faut vraiment faire plus en fait? Avoir une carrière, du succès, un appart, une assurance vie? Bon j'avoue je viens d'énumérer tout ce que je recherche (à l'exception de l'assurance vie ok)... Franchement quand je vis comme ça j'ai juste envie de tout abandonner et me conformer à ce que la vie m'offre... au risque de s'en mordre les doigts un peu plus tard. Difficile de savoir reconnaître si on est bien parce qu'on a abandonné des ambitions vaines, ou si c'est juste une bonne porte de sortie comme on en a déjà connues, on tire le chapeau et salut... jusqu'à la prochaine grosse crise existentielle qui viendra à nouveau tout balayer du revers de la main, comme une bonne gifle là où ça claque bien, celle qu'on avait évitée jusque-là... 

Des fois j'ai comme l'impression d'être un taureau qui passe sous la cape du matador et s'égare en poursuivant une chimère. Ou bien le torero lui-même qui esquive les coups de corne en jouant avec un leurre. Est-ce que je berne moi aussi l'adversaire (moi-même) en lui jetant de la poudre aux yeux? Vaste question, et la bonne, ou la mauvaise, nouvelle, c'est qu'on dirait bien que de réponse il n'y en a point. 

lundi 10 août 2020

le Retour...

Je ne sais pas ce que les Dieux ont cherché à me dire en la circonstance, mais je ne peux que supputer qu'ils n'étaient pas super chauds pour que je quitte le Brésil et que je rentre en France...

En effet, je découvre à une semaine de mon départ que malheureusement, je n'ai en fait pas de vol ! C'est pas comme si c'était pas marqué en gros et en orange dans le mail de confirmation de la compagnie... En effet, une phrase assez contradictoire annonçait que mon vol était bien réservé, mais pas confirmé, à cause d'un problème de paiement (on dirait que ma carte bancaire aussi voulait que je reste ici). Mon esprit, qui n'en pouvait plus de cette résa laborieuse qui m'occupait depuis plusieurs jours (je vous passe les hésitations PSYCHOPATHES sur genre si je dois rentrer le 2, le 3 ou le 4, oui, véridique...) a sans doute, comme dans bien des cas dans ma vie, effrontément ignoré cette information pourtant plutôt importante. Heureusement, les prix n'ont pas changé et je reprends le même. L'amie de ma mère à Rio m'ayant confirmé qu'on peut faire le test covid requis par la compagnie dans n'importe quelle pharmacie avec un résultat en 20min, je m'endors paisiblement sur cette tranquillisante information. Maaaaaaaaaaaais, et ça m'apprendra à trop compter sur les autres plutôt que de me renseigner moi-même, il s'avère que ce n'est pas tout-à-fait exact, c'est même complètement faux ! Il faut en effet réaliser le test en laboratoire et disposer pour cela d'une ordonnance. Contre toute attente (hinhin), les laboratoires sont complètement surchargés et ne délivrent en tous cas certainement pas le résultat en 24h, temps qui me reste avant mon vol si j'obtiens un rdv pour le lundi suivant, dans 2 jours (on est un samedi). S'ensuit une épuisante journée d'appels auprès de l'ambassade, de la compagnie aérienne, de tous les laboratoires de la ville la plus proche, du médecin d'urgence de la compagnie, de l'assurance voyage, au secrétariat de santé du district, consultation des conditions générales d'annulation et de report du vol, conditions d'admission des citoyens européens en France... le tout avec une connexion absolument défectueuse qui me rend fooooooooolle. Vous l'avez compris, j'affronte présentement... mon pire cauchemar !!! Un casse-tête administratif doublé d'un besoin de se faire justice auprès d'organismes réfractaires (je déteeeeeeeste ça), des choix cornéliens à faire (j'annule ou échange mon vol et perds 200 euros ou je tente quand même et si ça foire je perds 350euros le billet, plus je passe une semaine à Rio à mendier un rdv en laboratoire et à ensuite harceler le-dit labo pour obtenir les résultats à temps...) . Au final, je décide de tenter, même si je sens bien que je suis coooomplètement à contre-courant avec ma personnalité et ma volonté intérieure, qui ne rêve que d'une chose, laisser tomber, repousser le retour et tout recommencer à zéro, faire les démarches dans l'ordre et arriver sans stress à l'aéroport. Mais je m'accroche à un article du site de la compagnie qui mentionne clairement que les passagers européens en transfert à Lisbonne sont exemptés... Bref, je fonce et d'ailleurs, si un milliard d'obstacles se dressent entre moi et mon avion, c'est qu'il devait y avoir une raison...

Au matin, en rangeant ma chambre, le fer à cheval suspendu au mur me tombe sur le fémur et y laisse un hématome et une vilaine égratinure... dois_je y voir un sombre présage? Lundi, on tente quelques labo à Resende, sur le chemin de Rio. No success. Mon blablacar vers Rio est annulé, j'en réserve un nouveau. Annulé aussi. Un troisième, idem, un énième, pas de réponse. Un m'accepte finalement et il a l'air fiable mais c'est à 18h30 et si jamais il me plante, je me retrouverais bien bête dans cette ville paumée de nuit, avec toutes mes affaires et mon vol le lendemain à Rio... Aussi, même si je sens que ça devrait le faire, j'accepte la proposition d'Emiliano de me conduire jusqu'à Rio, ce qui va me revenir une fortune en essence mais bon... Au moins je ne me prends plus la tête. Après un voyage harrassant et infini (ne JAMAIS voyager avec des Bésiliens,, enfin ceux-là en particulier, ils s'arrêtent toutes les 30 minutes pour faire une « pause », fumer une cigarette, faire un petit somme, aller faire pipi ect ça n'en finit plus), on emprunte par erreur le pont de Niteroi à l'heure de pointe, l'horreeeeeeeeuuuuuuuur, une heure pour faire 300 mètres, et donc une belle immersion dans une ville en folie, polluée et atroce, qui m'affecte profondément après 3 mois passés dans la nature... On arrive enfin Rio. Dodo, puis les gars proposent d'aller au jardin botanique avant l'avion et ils peuvent m'emmener à l'aéroport ensuite. Nouvelle très mauvaise idée. Il n'y a pas tant de temps que ça, et je ferais bien de rester tranquille à la maison et prendre un taxi officiel. Mais bon allez, vivons pleinement hummm ! Au final, ils m'abandonnent au jardin pour aller grailler un truc, et évidemment, ils ont 20min de retard sur notre rdv pour partir à l'aéroport...

Et là, pas de bol, patrouille de police, contrôle aléatoire... oui enfin, aléatoire, quand on voit la tête de mes deux acolytes, on a tout de suite envie de les arrêter !! Et pour cause, après une fouille minutieuse du véhicule, et tout-à-fait indécente de ces messieurs (je vous passe les détails du « tâtage » de caleçon, j'ai moi-même détourné les yeux), les flics mettent la main sur quelles boulettes de hashish soigneusement empaquetées dans du papier de soie (très chic). Ils confisquent aussitôt cartes d'identité et passeport... Je flippe déjà vu que j'ai dépassé la date limite de séjour au Brésil depuis plus de deux mois, enfin, pour cause de pandémie c'est toléré officiellement, mais expliquer tout ça à deux agents de base peut nous faire perdre un temps précieux... En, fait je me soucie pour rien, car je ne les intéresse pas duuuu tout, haha, mon égocentrisme me joue un tour de plus. Ce n'est en effet pas la petite gringa insignifiante que je suis qui les intéresse, mais bien sûr le malfrat qui voyage en ma compagnie ! Déjà accusé de trafic de drogue dans le passé (Monsieur nie les faits, évidemment c'est la police qui est derrière tout ça, lui il avait juste une petite plantation de cannabis dans son jardin pour sa consommation personnelle - ceci dit, vu tout ce qu'il fume, ça paraît étonnamment crédible... - ), il n'a pas vraiment intérêt à être embarqué au poste... Ils sont en discussion assez cordiale (le fameux art de la « langue de bois »), et ç'a l'air de se passer pas trop mal, jusqu'à ce qu'Emiliano tourne vers moi un regard fiévreux en me demandant avec l'air le plus dégagé possible à quelle heure exactement est la limite d'embarquement. Son front qui perle ne laisse rien présager de bon, et je comprends que la négociation ne prend pas la tournure espérée... Je commence déjà à taper le numéro de l'ambassade de France quand ça semble se dénouer. Les flics acceptent un bon bakshish et nous laissent repartir sans plus nous inquiéter, avec un salut plus que courtois qui laisse supposer une certaine auto-satisfaction et une habitude certaine de cette charmante pratique, qui, en la circonstance, me rend diablement service.

Je me rue à l'aéroport (j'ai vraiment un problème avec les transports), me présente à la compagnie, il faut le test, malgré l'exemption dont je suis censée bénéficier, je présente mon papier et go, direction la douane. Là encore, délai supplémentaire, mon passeport interloque et la douanière s'excuse et s'absente un long moment... avant de me le rendre en me souhaitant bon voyage:) !!!!

dimanche 9 août 2020

Jungle



La jungle envoûtante vous enfouit dans ses bras d'ébène.

On pénètre dans un monde qui n'a pas besoin de nous et nous remarque à peine.

Comme un invité incongru, nos pas surprennent,

Puis tout reprend son cours.


Les ombres vertes me collent à la peau

et s'enroulent autour de mes bras

comme des tatouages faits d'ombre et de fraîcheur,

qui ne me libèrent que lorsque je m'aventure dans les rayons incandescents

qui se fraient un passage entre les lianes et les humus.


Je marche dans des forêts

qui vous murmurent à l'oreille

des secrets.

Dans les feuilles qui frémissent,

je lis la force et la fragilité,

l'équilibre, l'harmonie,

la beauté.


Les oiseaux chantent les trésors de temps immémorables.


Parmi les arbres je me sens à l'abri. A l'abri de tout. En paix.

La jungle me colle à la peau

et hors de son sillage, j'ai du mal à respirer.

Elle me susurre des merveilles dont mon être se berce.

Elle affecte l'esprit comme un beau mensonge, comme un éclat de vérité.


Ici le temps n'existe plus car on fusionne avec lui.

Je me sens une et je me sens tout. Comme si je n'étais rien.

Ici mon âme est apaisée et je m'oublie. 

Et disparaître c'est vivre enfin.